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MAYENCE.



LETTRE XXIII.
Mayence.


L’auteur définit le chemin de fer. — Particularités du chemin de fer de Mayence à Francfort. — Dévastations sauvages et progrès hideux du « bon goût ». — L’auteur compare entre elles Cologne, Francfort et Mayence. — La cathédrale de Mayence. — Édifice à double abside. — Plan géométral. — Les clochers. — Portes de bronze. — Fac-simile de l’inscription. — Voyage attentif et curieux de l’auteur à travers les tombeaux des archevêques-électeurs. — Dénombrement. — Détails. — Rapprochements. — Singulière histoire de l’astrologue Mabusius. — M. Louis Colmar, pendant de M. Antoine Berdolet. — Jean et Adolphe de Nassau, pendants de Adolphe et Antoine de Schauenbourg. — Il y a quarante-trois tombeaux. — Fastrada, femme de Charlemagne. — Son épitaphe. — Fac-simile. — 794. — Le bon vieux suisse qui raconte ces histoires. — Ameublements différents des deux absides. — Magnifique menuiserie rococo. — Salle capitulaire. — Cloître. — Le bas-relief énigmatique. — Frauenlob. — La fontaine de la place du marché. — Inscriptions. — Mayence du haut de la citadelle. — De quelle façon les femmes sont curieuses à Mayence. — Adlerstein. — Ce que c’est que le point noir qu’on voit là-bas.


Mayence, septembre.

Mayence et Francfort, comme Versailles et Paris, ne sont plus aujourd’hui qu’une même ville. Au moyen âge il y avait entre les deux cités huit lieues, c’est-à-dire deux journées ; aujourd’hui cinq quarts d’heure les séparent, ou plutôt les rapprochent. Entre la ville impériale et la ville électorale, notre civilisation a jeté ce trait d’union qu’on appelle un chemin de fer. Chemin de fer charmant, qui côtoie le Mein par instants, qui traverse une verte, riche et vaste plaine, sans viaducs, sans tunnels, sans déblais ni remblais, avec de simples assemblages de bois sous les rails ; chemin de fer que les pommiers ombragent paternellement ainsi qu’un sentier de village ; qui est livré, sans fossés ni grilles, de plain-pied, à la bonhomie saturnienne des gamins allemands, et tout le long duquel il semble qu’une main invisible vous présente l’un après l’autre les vergers, les jardins et les champs cultivés, les retirant ensuite en hâte et les enfonçant pêle-mêle au fond du paysage comme des étoffes dédaignées par l’acheteur.

Francfort et Mayence sont, comme Liège, d’admirables villes dévastées par le bon goût. Je ne sais quelle propriété corrosive ont l’architecture bla-