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BINGEN.



LETTRE XXII.
Bingen.


Un souvenir au peintre Poterlet. — Bingen. — Un peu d’histoire. — Comment les villes se font dans les confluents. — Paysage. — Le Johannisberg. — Le Niederwald. — L’Ehrenfels. — Le Ruppertsberg. — Les ruines de Disibodenberg. — Toutes sortes d’antithèses que le bon Dieu se plaît à faire. — L’auteur dénonce à l’indignation publique l’abominable restauration de l’abbaye de Saint-Denis. — Bingen à vol d’oiseau. — Le couplet de Barberousse. — Les poètes sont des empereurs ; il faut bien que de temps en temps les empereurs soient des poëtes. — Chant de Quasimodo chanté sur le Rhin. — Rudesheim. — Éloge senti et littéraire du vent du sud. — Comment on mange à Bingen. — Un gros major et un savant chétif. — Monographie de la table d’hôte. — M. Chose et M. Machin. — Le poëte et l’avocat. — Les sagres bleus. — L’auteur défie qui que ce soit de comprendre quoi que ce soit aux vingt dernières lignes de cette lettre.


Mayence, 15 septembre.

Vous me grondez dans votre dernière lettre, mon ami, vous avez un peu tort et un peu raison. Vous avez tort pour ce qui est de l’église d’Épernay, car je n’ai pas réellement écrit ce que vous croyez avoir lu. Et puis en même temps vous avez raison, car il paraît que je n’ai pas été clair. Vous m’écrivez que vous avez pris des renseignements au sujet de l’église d’Épernay, « que je me suis trompé en l’attribuant à M. Poterlet-Galichet, que M. Poterlet-Galichet, brave, digne et honorable bourgeois d’Épernay, est parfaitement étranger à la construction de l’église, et qu’en outre il y a dans la ville deux hommes fort distingués, du nom de Poterlet, un ingénieur de rare mérite et un jeune peintre plein d’avenir ». Je souscris à tout cela, et j’ai connu moi-même, il y a dix ans, un jeune et charmant peintre qui s’appelait Poterlet, et qui, si la mort ne l’avait enlevé à vingt-cinq ans, serait aujourd’hui un grand talent pour le public comme il était en 1829 un grand talent pour ses amis. Mais je n’ai pas dit ce que vous me faites dire. Relisez ma lettre, la seconde, je crois ; je n’y attribue pas le moins du monde l’église d’Épernay à M. Galichet. Je dis seulement : « Cette église me fait l’effet d’avoir été bâtie », etc. Plaisanterie quelconque qui ne tombe que sur l’église.

Ce petit compte réglé, je reviens d’Épernay à Bingen. La transition est brusque et le pas est large ; mais vous êtes de ces écouteurs intelligents et