faisais mille efforts inutiles pour rentrer en grâce. Tout à coup, paraissant sortir d’une profonde rêverie et comme se répondant à lui-même, il dit :
— Et il en parle fort bien !
— De la gale, n’est-ce pas ? dis-je fort timidement.
— Oui, pardieu, de la gale ! me répondit G— avec fermeté.
Il ajouta après un silence :
— Cet homme a fait de magnifiques observations microscopiques. De vraies découvertes.
Je hasardai encore un mot.
— Il aura étudié son sujet sur ce pharaon d’Égypte dont il a fait son laquais et son musicien.
Mais G— ne m’entendait déjà plus.
— Quelle prodigieuse chose ! s’écria-t-il, et quel sujet de méditation mélancolique ! La maladie suit l’homme après la mort. Les squelettes ont la gale !
Il y eut encore un silence, puis il reprit :
— Cet homme manque à la troisième classe de l’Institut. Il y a bien des académiciens qui sont charlatans ; voilà un charlatan qui devrait être académicien.
Maintenant, mon ami, je vous vois d’ici rire à votre tour et vous écrier : — Est-ce tout ? oh ! les aimables aventures, les engageantes histoires, et quel voyageur à pied vous êtes ! Rencontrer des ours, ou entendre un avaleur de sabres, bras nus et ceinturonné de rouge, confronter en plein air l’acarus de l’homme à l’acarus du chameau et faire à des paysans un cours philosophique de gale comparée ! Mais, en vérité, il faut en grande hâte se jeter en bas de sa chaise de poste, et ce sont là de merveilleux bonheurs !
Comme il vous plaira. Quant à moi, je ne sais si c’est le matin, si c’est le printemps ou si c’est ma jeunesse qui se mêle à ces souvenirs, déjà anciens, hélas ! mais ils rayonnent en moi. Je leur trouve des charmes que je ne puis dire. Riez donc tant que vous voudrez du voyageur à pied, je suis toujours tout prêt à recommencer, et, s’il m’arrivait encore aujourd’hui quelque aventure pareille, « j’y prendrais un plaisir extrême ».
Mais de semblables bonnes fortunes sont rares, et, quand j’entreprends une excursion à pied, pourvu que le ciel ait un air de joie, pourvu que les villages aient un air de bonheur, pourvu que la rosée tremble à la pointe des herbes, pourvu que l’homme travaille, que le soleil brille et que l’oiseau chante, je remercie le bon Dieu, et je ne lui demande pas d’autres aventures. — L’autre jour donc, à cinq heures et demie du matin, après avoir donné les ordres nécessaires pour faire transporter mon bagage à Bingen, dès l’aube, je quittais Lorch, et un bateau me transportait sur le bord