LETTRE XV.
La souris.
Samedi passé il avait plu toute la matinée. J’avais pris passage à Andernach sur le dampfschiff le Stadt Mannheim. Nous remontions le Rhin depuis quelques heures, lorsque tout à coup, par je ne sais quel caprice, car d’ordinaire c’est de là que viennent les nuées, les vents du sud-ouest, le Favonius de Virgile et d’Horace, le même qui, sous le nom de Fohn, fait de si terribles orages sur le lac de Constance, troua d’un coup d’aile la grosse voûte de nuages que nous avions sur nos têtes et se mit à en disperser les débris dans tous les coins du ciel avec une joie d’enfant. En quelques minutes la vraie et éternelle coupole bleue reparut appuyée sur les quatre coins de l’horizon, et un chaud soleil de midi fit remonter tous les voyageurs sur le pont.
En ce moment-là nous passions, toujours entre les vignes et les chênes, devant un pittoresque et vieux village de la rive droite, Velmich, dont le clocher roman, aujourd’hui stupidement châtré et restauré, était flanqué, il y a peu d’années encore, de quatre tourelles-vedettes comme la tour militaire d’un burgrave. Au-dessus de Velmich s’élevait presque verticalement un de ces énormes bancs de laves dont la coupe sur le Rhin ressemble, dans des proportions démesurées, à la cassure d’un tronc d’arbre à demi entaillé par la hache du bûcheron. Sur cette croupe volcanique une superbe forteresse féodale ruinée, de la même pierre et de la même couleur, se dressait comme