Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome IV.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous-même. Ne sentez-vous pas, qu’en présence de telles insinuations venues d’une personne qui se dit de votre famille, il doit y avoir en moi un sentiment de dignité blessée qui se révolte et qui m’interdit désormais l’honneur de vous voir ? Sentiment d’autant plus impérieux que l’honneur que vous me faites donne naissance à d’injustes et mauvaises pensées chez vos parents et peut vous causer un préjudice.

Tenez, Madame, je vais vous dire vrai, comme je l’ai toujours fait. Une seule chose est fondée dans cette lettre, c’est la crainte des dangers que vous courez à Paris. Ces dangers, je vous les ai signalés tout le premier et le premier jour. Ils sont nombreux pour une charmante femme comme vous, seule dans cette grande ville. De mon côté il n’y a pour vous aucun péril, vous le savez, et vous n’en doutez pas, vous qui me connaissez, vous qui ne pouvez oublier avec quelle sincérité je vous ai parlé de vous, de votre famille, de votre avenir précieux et sacré d’honnête et heureuse femme. Vous savez tout cela, vous, Madame, mais d’autres l’ignorent. Le monde est prompt à mal juger, et vous voyez ce qu’ils ne craignent pas de faire entendre. Laissez-moi donc vous donner un conseil, fuyez les dangers de Paris, fuyez Paris. Pure et vertueuse comme vous l’êtes, pendant qu’il est temps encore, sauvez votre réputation et votre honneur des suppositions fâcheuses, quoique loyales, je le crois, de votre propre famille ; vous pourrez, à Périgueux, près de votre mari, près de votre enfant, continuer et terminer le nouveau travail que vous avez commencé. Quand il sera fini, vous me l’enverrez si vous le jugez à propos, je le lirai avec cet intérêt qu’une personne charmante comme vous inspire toujours à un homme honnête, sincère et sérieux ; je vous ferai connaître mon opinion franchement, comme c’est mon habitude, vous le savez, sans rien vous dissimuler, sans même vous cacher, s’il le fallait, les impossibilités de succès, vous vous souvenez que je ne vous ai point dissimulé cette impossibilité pour le manuscrit que vous m’avez confié et que j’ai l’honneur de vous renvoyer sous cette enveloppe.

Réfléchissez à tout ceci, Madame, et décidez. Vous savez avec quel intérêt grave et convaincu je parle de vous à vous-même.

Vous comprenez dans quel sentiment je vous écris toutes ces choses dont quelques-unes peut-être vous affligeront. Mais il m’a paru nécessaire, digne, loyal, honorable, de vous donner ce conseil et cet avertissement conforme, d’ailleurs, à tout ce que je vous ai dit déjà depuis que j’ai l’honneur de vous connaître. Écarter, en vous parlant, toute pensée qui ne serait pas uniquement et purement inspirée par votre intérêt, c’est mon habitude, vous le savez. Madame, ma conscience dictait, j’ai écrit.

Vous m’en savez gré, n’est-ce pas ?