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votre jeune et fier talent. Être inspiré, c’est beau ; être ému, c’est grand. Vous savez qu’à Bruxelles je vous disais cette bonne aventure et je vous annonçais cet avenir. Vous êtes un des premiers, un des plus charmants, un des plus puissants, dans cette nouvelle légion sacrée de poëtes que je salue et que j’aime, moi le vieux pensif des solitudes.

Que de choses délicates et ingénieuses dans ce joli petit livre, les Fêtes galantes ! Les Coquillages ! quel bijou que le dernier vers ! Je vous envoie tous mes vœux de succès et mon plus cordial shake-hand.


Victor Hugo[1].


À Paul Meurice.


H.-H., 17 avril.

Votre exquise lettre a été lue, les larmes aux yeux, par nous deux ici qui vous aimons. Oui, j’espère que ce bonheur me sera donné d’être près de vous ou de vous avoir près de moi. Mon égoïsme préférerait votre exil à mon Paris. On serait bien plus ensemble.

Voici une pièce longue pour votre numéro payeur d’amendes. Toutes les pièces longues sont dangereuses, celle-ci l’est énormément, à deux points de vue : procès du gouvernement, procès de la famille (pire). C’est pour cela que j’ai remplacé le vrai titre qui est tout crûment : Saint-Arnaud par celui-ci : Justice faite. Je crains que les coupures auxquelles vous serez contraints n’énervent la pièce. Si, tout bien considéré, elle vous paraissait trop périlleuse, renvoyez-la moi[2]. Je vous en enverrais une autre, plus courte, qui est sur les événements immédiats (Aubin-les-Mines)[3] et que je crois sans danger. Enfin faites pour le mieux, mais ne greffons pas un procès sur un procès. — Doux ami, mon Charles a été triste de ce qui lui a semblé une froideur du Rappel. J’essaie ce pansement. Voulez-vous être assez bon pour insérer ces lignes, ou quelque chose qui leur ressemble. La traite de 13 000 fr. vous sera présentée samedi prochain 23 avril. — J’eusse voulu faire charger cette lettre, ce qui est une demi-garantie contre l’ouverture en cabinet noir ; mais c’est dimanche, c’est Pâques, la poste est fermée, je sens que vous êtes pressé, je risque le paquet. Soyez énormément prudents, mes intrépides amis.

  1. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Saint-Arnaud ne parut que le 26 septembre 1870 dans le Rappel et fut joint à l’édition française des Châtiments le 20 octobre suivant. L’Édition de l’Imprimerie Nationale, en publiant ces vers dans Les Châtiments, s’est conformée à l’édition de 1870.
  3. Aubin : Toute la Lyre, dernière série.