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À Albert Kœmpfen.


Hauteville-House, 10 avril.

Mon cordial et cher confrère, votre lettre m’a charmé. Je suis en France puisqu’on m’aime en France. Je sens tous les cœurs voisins du mien. Un ami comme vous suffit pour que je n’aie plus le droit de me dire exilé et solitaire. Ma solitude pourtant se resserre, hier j’ai enterré un vieux compagnon d’épreuve, Kesler, qui était sur la barricade Baudin, et dont le nom est probablement venu jusqu’à vous. Je vous envoie les quelques mots que j’ai dits sur sa tombe ; je ne les crois pas publiables en France ; mais je tiens à ce que vous les lisiez. Être toujours en communion tous les uns avec les autres, c’est notre devoir ; c’est aussi notre bonheur.

Je vous serre la main.

Victor Hugo[1].


À Jules Janin.


H.-H., 11 avril.

L’académie a besoin de pardon. Il y a des jours où elle s’en aperçoit. C’est pourquoi vous êtes nommé[2]. C’est un réveil de conscience. Quel dommage que cette conscience se rendorme tout de suite après !

Cher confrère, votre nomination est un succès pour l’Académie. Quant à vous, vous avez pour succès toutes vos œuvres.

Je vous embrasse.

Victor Hugo[3].


À Paul Verlaine.


Hauteville-House, 16 avril.

Nul n’est poëte, s’il ne l’est sous les deux espèces, qui sont la Force et la Grâce. Je me suis toujours figuré que c’était le sens de l’antique Double-Mont. Vous êtes digne, mon jeune confrère, de voler d’une cime à l’autre. Après les Fêtes galantes, livre charmant, vous nous donnerez les Vaincus, livre robuste.

On peut tout attendre de votre noble esprit. L’émotion, les larmes, la sympathie, c’est là qu’arrivera, après tant de pages excellemment poétiques,

  1. Le Temps, 3 juin 1928.
  2. Jules Janin avait été nommé, le 8 avril 1870, en remplacement de Sainte-Beuve.
  3. Collection Moulin. — Exposition du troisième centenaire de l’Académie, 1935.