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décembre, et c’est fin février que j’ai écrit à M. Lacroix. L’utilité de la lui lire m’est apparue de la façon que votre mère vous contera, avec toute la réserve que comporte la nécessité de ne donner aucun éveil aux ombrages de l’autorité en France. Comprenez à demi-mot. Et silence absolu sur ces détails. N’en parlez qu’à M. Lacroix qui, lui aussi, comprendra la nécessité du silence.

Cette lecture, offerte par moi à M. Lacroix, loin d’être du temps perdu, était du temps gagné. Une absence de dix jours ? pourquoi ? On part de Bruxelles le lundi à 6 heures du matin, et l’on est le lendemain mardi à 9 heures à Guernesey. Donc cinq jours d’absence et non dix. L’avantage eût été ceci : M. Lacroix m’aurait rapporté en épreuves (les bonnes feuilles sont un retard, et sont irréparables) le reste du livre, et aurait pu repartir emportant la Préface. Loin d’être du temps perdu, c’était du temps gagné. Et beaucoup de temps. En quelques heures de conversation, les points à examiner, s’il y en a, eussent été vidés et tout eût été conclu. Or, quelques heures de conversation, cela représente vingt lettres que je n’ai point le temps d’écrire. M. Lacroix, lui, commence par perdre le temps. Ainsi, il ne m’a pas écrit, et je n’entrevois ses raisons que par ta lettre. Me voilà en suspens. Je ne puis livrer, et je ne livrerai point cette préface à la légère. (Or, le livre me semble déjà en retard.) Ma responsabilité est grande. Juges-en par l’Avenir national du 25 février que je t’envoie (fort hostile. Montre-le à M. Lacroix). L’article dit ce que Voltaire eût fait à ma place. Cela n’est ni vrai, ni juste. Mais tu vois quelles précautions je dois prendre. Si notre excellent ami M. L. Ulbach, ou un tiers, en qui MM. Ulbach et Lacroix auraient confiance absolue (pas M. Guérin ; il est très intelligent, mais tu sais qu’il est peu exact, à son insu. Il ne pourrait donc convenir pour une mission si délicate. Je l’exclus à regret, mais je l’exclus) ou un tiers, dis-je, mais quel tiers ? Il faudrait un associé de M. Lacroix ayant plein pouvoir, et comprenant tous les aspects de la question. Tout examiné, je regrette vivement que M. Lacroix ne puisse donner cinq jours à la plus grave et à la plus délicate affaire de son année. De là une non entente. J’en crains les suites. — Je ne puis retrouver le n° de l’Avenir national. Il est du 25 février. Du reste, c’est perfidement qu’un inconnu me l’a envoyé. — Voici un mot pour notre excellent Berru, et ma photographie pour Bertram Landoys.

J’espère que ma bonne petite Alice est délivrée, et je me suis gardé cette bonne nouvelle à moi-même pour la fin. Maintenant de qui es-tu l’oncle ? Ta prochaine lettre me le dira. Ma femme est bien heureuse d’être grand’mère, Charles est aux anges d’être papa, Alice est ravie d’être maman, tu es enchanté d’être oncle, et moi je suis enchanté, ravi, heureux, et aux anges.

V.