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Regardez-les avec l’œil de votre grand esprit. Vous les voyez, n’est-ce pas ? Moi aussi.

Aimons-nous.
V.[1]


À Michelet.


H.-H., 6 décembre.

Mon illustre ami, vous m’avez écrit de Suisse, j’étais en Belgique, et je n’ai qu’aujourd’hui votre lettre du 16 septembre. Elle me va au cœur. Vos grands livres sont une des lumières de mon exil, votre amitié est un viatique dans mon rude pèlerinage de lutte et de deuil.

À vous, ex imo.

Victor Hugo[2].


À d’Alton Shée.


H.-H., 8 décembre 1868.

Vos mémoires, mon cher d’Alton, sont pour moi comme des messages que me fait votre noble esprit. J’ai lu votre envoi du 25 novembre. Merci encore, et bravo encore à ces vivantes et robustes pages ! Sur les fortifications de Paris, voici mon sentiment[3] : Je ne les aurais pas bâties, mais je ne les détruirais pas. Elles ne doivent désormais tomber que le lendemain du jour où l’Europe se sera proclamée république dans son parlement siégeant au champ de la Fédération (champ de mars) de Paris. Alors crouleront toutes les clôtures et s’ouvriront tous les cœurs. Vous serez, mon cher d’Alton, de ce parlement-là ; moi aussi peut-être, — à moins que je ne sois mort.

J’ai pour vous une sympathie ancienne et profonde. Votre admirable persistance m’a absolument gagné. Vous êtes citoyen avec une fierté de gentilhomme et une dignité de seigneur. Votre âme est haute parce qu’elle est libre. Vous êtes fraternel à tous, et, au besoin, l’âge étant venu, paternel. Mon exil vous aime. Nous sommes, vous et moi, les deux seuls pairs républicains. Je sens en vous quelque chose comme un frère. Je ne suis votre aîné que par l’âge. Car, avant moi, vous aviez compris et voulu la République. Ma logique attardée n’y est arrivée qu’après la vôtre. Armand Carrel a été pour beaucoup dans mon retard. Si cela valait la peine d’un reproche, c’est à lui qu’en viendrait la responsabilité.

  1. Bibliothèque Nationale.
  2. J.-M. Carré. — Michelet et son temps. — Musée Carnavalet.
  3. D’Alton Shée avait, à la Chambre des Pairs, combattu la loi sur les fortifications de Paris.