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À Albert Kœmpfen[1].


Bruxelles, 1er août.

C’est de Bruxelles, monsieur et honorable confrère, que je réponds à votre lettre charmante et cordiale. Vous m’avez presque fait entrevoir l’espérance de vous Y serrer la main. Je suis encore ici pour huit jours, et si vous nous donnez la fête de vous voir ici, j’espère que vous voudrez bien, matin et soir, considérer ma table de famille comme la vôtre. Je connais votre esprit, je voudrais connaître votre personne. Je sens en vous cette belle chose : le talent appuyé sur la conscience. Le Temps est malheureusement regardé par le groupe des proscrits du dehors comme un journal réactionnaire en littérature et en philosophie. Vous lui rendez le très grand service de l’accentuer dans le sens révolutionnaire. C’est que la révolution, c’est le seul air respirable désormais aux penseurs comme aux peuples. 1830 est littérairement la même date que 1789 politiquement. M. Armand Carrel a méconnu cette vérité. Je ne vois pas qu’il s’en soit bien trouvé. Il s’est mis en dehors du mouvement, et il a tourné le dos au présent comme à l’avenir. De là, pour lui, l’oubli. Vous aidez le Temps à se redresser chaque fois qu’il verse dans cette ornière de la réaction. Je vous en félicite, et j’en félicite mon ancien ami M. Nefftzer. Que je voudrais causer avec vous ! Voulez-vous me permettre d’espérer votre présence, et de presser vos mains dans les miennes ?

Victor Hugo[2].


À Paul Meurice.


Bruxelles, 5 août.

Vos idées ne peuvent se perdre. Depuis deux jours M. Albert Millaud est ici, avec force propositions pour moi. Mon œuvre individuelle est désirée par M. Millaud ; moi je préférerais voir mettre au jour une œuvre collective, votre idée de l’Encyclopédie du 19e siècle. J’en ai parlé à M. Alb. Millaud, qui vous verra.

Tout pour tous.
Répertoire de l’Esprit humain
au xixe siècle.

Ce serait le titre, et je crois, vous aidant, à une grande chose, à un grand succès, et à un grand résultat. J’espère bien vous voir, et mûrir tout cela à votre chaleur et à votre lumière.

  1. Albert Kœmpfen, journaliste, signait ses articles : X. Feyrnet.
  2. Le Temps, 3 juin 1928.