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mal jugées ici. Charles te raconte ce qui s’est passé hier entre Étienne Arago[1] et moi à propos du serment.

Chère amie, n’oublie pas qu’il me faut douze ou quinze longues pages la prochaine fois. Toutes tes lettres sont belles et fortes. Si j’avais besoin d’énergie, elles m’en donneraient. Ayons bon espoir. Tout va bien quand les têtes vont bien. Or nous n’avons jamais vu plus clair ni mieux su ce que nous faisons.

Embrasse mon Victor, embrasse mon Adèle, et dis-leur de t’embrasser. Il me semblera que je suis au milieu. Toutes mes tendresses à Paul Meurice, à Auguste Vacquerie. Mes respects à madame Paul.

As-tu parlé avec Vacquerie du cautionnement ? Qu’avez-vous fait ?[2]


À Madame Victor Hugo.


Bruxelles, lundi 22 mars.

Bonjour, chère maman. Ceci n’est qu’un mot à la hâte pour te dire que nous nous portons bien et pour t’envoyer ce feuilleton de Dumas, charmant pour toi. Écris-lui pour le remercier. Il y sera très sensible.

M. Carpier, le directeur des Variétés, est revenu ici ; « pour moi », dit-il toujours. Je lui ai renouvelé l’explication catégorique que je lui avais déjà faite : qu’il m’était impossible de rien donner au théâtre, et surtout une comédie, avant d’avoir fait un acte politique et publié mon livre. Il m’a dit : Mais, après votre livre, on ne laissera plus jouer votre pièce. — C’est possible, lui ai-je répondu, mais c’est mon devoir. — Il m’a dit d’ailleurs que l’Élysée était fort effaré de mon livre et que Romieu[3] lui en avait parlé avec anxiété. C’est bon.

Il demande une pièce à Charles. Pourvu que Charles la fasse en vers, afin d’écarter toute idée de vaudeville, et qu’il ait, lui aussi, publié ou écrit auparavant La Conciergerie, je trouve cela très bien, et j’y pousse Charles.

  1. Étienne Arago, de 1825 à 1847, écrivit près de cent vaudevilles et comédies et dirigea, de 1830 à 1840, le théâtre du Vaudeville, ce qui ne l’empêchait pas de prendre part aux luttes du parti républicain ; impliqué dans l’affaire du 13 juin 1849, il gagna Bruxelles et fut condamné par contumace à la déportation. Il rentra pourtant en France en 1859, à l’amnistie, et, pendant la durée de l’empire, se consacra à la littérature.
  2. Bibliothèque Nationale.
  3. Romieu, nommé en 1852 directeur des Beaux-Arts.