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pioche le Bonaparte. Boichot[1], chassé de Suisse, est venu me voir. Il sort d’ici. Il part demain pour Londres. Il voudrait, m’a-t-il dit, servir de trait d’union entre Ledru-Rollin et moi. Je verrai. Boichot est un homme jeune, sérieux et intelligent ; il comprend à merveille la question de l’armée.

Je lui ai donné une lettre pour un ouvrier nommé Desmoulins (ami de Pierre Leroux), qui fonde en ce moment une imprimerie française à Londres, et qui me demande appui.

Tu vois que tout cela marche un peu, quoique lentement. Prenons la lenteur en patience. Ce que je ne puis prendre en patience, chère amie, c’est ton exil, c’est la prison de Victor, c’est la prison de nos amis, c’est ma fille loin de moi. Chaque jour je suis plus impatient de vous revoir tous. Ma petite Adèle, pense à moi et joue Brama à mon intention. Il me semble que je l’entends. Mille baisers à vous deux, et toute mon âme[2] .


À Auguste Vacquerie[3].


Bruxelles, 11 mars [1852].

Vos lettres, cher Auguste, n’ont qu’un défaut. Elles sont rares. Nous les lisons avec joie, et il nous semble vous entendre. Une lettre de vous est une poignée de main.

Vous avez bien raison quant à cette annonce de D. César. Je n’y comprends rien. M. Carpier ayant Frédérick, je lui avais dit que le jour où j’écrirais D. César, il l’aurait, mais qu’avant tout, j’entendais ne rentrer dans la publicité que par le livre du 2 Xbre. Mon premier acte doit être un acte politique. Si vous croyez utile de faire faire la rectification, jugez la chose et faites.

Ma femme a dû vous parler du cautionnement. Il serait, je crois, utile de le retirer. Reparaître est impossible. Qu’en pensez-vous ?

Nous passons notre vie ici à parler de vous tous. Vous êtes personnellement, vous Vacquerie, très aimé et très populaire parmi tous nos proscrits. Le jour où vous serez libre et où vous nous arriverez, toutes les mains se tendront vers vous, et tous les cœurs.

  1. Boichot, représentant du peuple en 1849, participa à l’émeute du 13 juin, ce qui provoqua sa déchéance. Deux écrits socialistes lui valurent des poursuites ; il se réfugia en Suisse d’où il fut expulsé, et passa en Angleterre où il écrivit nombre de brochures socialistes. Il revint en France en 1854, fut arrêté et interné à Belle-Isle. Amnistié en 1859, il s’installa à Bruxelles.
  2. Bibliothèque Nationale.
  3. Inédite, moins six lignes publiées dans le Théâtre inédit. Édition de l’Imprimerie Nationale.