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À Jules Claretie[1],
un des rédacteurs deL’Événement,
5, rue du Coq-Héron.


Bruxelles, 31 août [1866].

Monsieur, je vous remercie de m’avoir fait lire vos belles pages sur la guerre[2] et votre livre pathétique et émouvant[3]. Un souffle de progrès vivifie votre généreux esprit. Un drame poignant n’est qu’un drame ; si de hautes idées humaines et sociales y sont mêlées, c’est une œuvre. Voilà ce que vous avez fait, cher et noble écrivain.

Vous êtes digne de combattre la réaction favorisée par l’empire, et reparaissant aujourd’hui, en littérature comme en politique, sous tous ses pseudonymes, bon ordre, bon goût, etc., mots qui sont des mensonges. Ceci que je souligne, récemment écrit par moi, a fait grincer de colère tous les journaux absolutistes belges, anglais, etc. C’est un succès qui m’encourage, et qui vous encouragera aussi. Continuez. Vous êtes une âme vaillante en même temps qu’un charmant esprit. Je suis heureux de vous avoir l’autre jour serré la main dans ma maison, et je vous envoie mon remerciement dans un applaudissement.

Victor Hugo[4].


À Madame Chenay.


Chaudfontaine, 3 septembre [1866].

Tes lettres, chère Julie, nous sont bien arrivées. Ma femme en ce moment ne peut ni lire ni écrire ; mais nous l’entourons, et nous suppléons à ses yeux. Je l’ai amenée ici, parce que le paysage est un rideau vert. L’été, fournaise partout, est ici une simple étuve. On n’y rôtit pas, on y fond. C’est plus doux. Ma femme se trouve bien de cette buée chaude et de cette ombre fraîche. Elle a toute une forêt pour abat-jour.

Nous serons à Bruxelles vers le 10 septembre, et, si l’équinoxe ne s’y

  1. Jules Claretie, romancier, dramaturge, fut avant tout un journaliste. Tout jeune, il collabora au Nain jaune, au Diogène, à L’Événement de 1866, à L’Avenir National, à L’Artiste, à La France où il signa Olivier de Jalin, puis au Figaro. En 1885, il devint administrateur du Théâtre-Français et le resta jusqu’à sa mort. Il inaugura en 1881 la série hebdomadaire de La Vie à Paris.
  2. L’Événement, 19 août 1866.
  3. Un assassin ; la 3e édition porte le titre : Robert Burat.
  4. Collection Jules Claretie.