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À Marc Fournier,
Directeur du Théâtre de la Porte-Saint-Martin.


Hauteville-House, 18 avril 1866.
Monsieur et cher confrère,

Votre honorable empressement me touche. J’y sens l’écrivain de talent, en même temps que le directeur-artiste. Je m’empresse de mon côté de vous répondre. Pour que le drame écrit par moi cet hiver pût être joué, il faudrait des conditions de liberté refusées en France à tous, et à moi plus qu’à personne. Je suis donc contraint d’ajourner. Du reste, ce drame est composé pour la représentation et complètement adapté à l’optique scénique. Mais, tout à fait jouable au point de vue de l’art, il l’est moins au point de vue de la censure. J’attends, et mon drame paraîtra le jour où la liberté reviendra.

Si, à cette époque-là, vous voulez bien encore vous souvenir de moi, nous pourrons reprendre cette conversation interrompue. Le théâtre de la Porte-Saint-Martin, que vous appelez si gracieusement « mon théâtre », m’est cher, et il n’est pas de scène où je rentrerais avec plus de plaisir.

Recevez, mon honorable et cher confrère, avec l’expression de mon regret actuel, l’assurance de ma vive cordialité.

Victor Hugo.


À Don Wenceslas Ayguals de Izco[1].


Monsieur,

J’ai lu vos nobles vers[2], j’ai lu les nobles paroles qui les précèdent et que vous voulez bien m’adresser.

Je vous remercie, je vous applaudis, je vous estime.

Courage ! Vous êtes un digne espagnol, ce qui est beaucoup ; et vous êtes un digne citoyen, ce qui est plus encore.

Si quelque chose passe avant la patrie, c’est la liberté.

Le double amour de la liberté et de la patrie est dans votre éloquent poëme, cette double inspiration, c’est toute votre âme.

Vous flétrissez généreusement les actes odieux de la Force ; vous proclamez énergiquement les Droits augustes de la vie humaine.

  1. Inédite.
  2. El Derecho y la Fuerza, poème philosophique dédié à Victor Hugo.