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À Louis Boulanger.


Hauteville-House, 9 avril [1866].

Je ne suis pas absent, cher Louis, puisque j’ai toujours ma place dans votre cœur. Votre lettre me charme et m’émeut ; j’y sens notre jeunesse. Cette jeunesse, vous l’avez toujours. À petit enfant, jeune père, et votre enfant a six ans. Cette aurore se mêle gracieusement à vous-même, et vous en avez la lumière. Soyez heureux. Vous aimez mon livre, vous me le dites avec cette grande éloquence de l’artiste éminent, et cette douce cordialité du vieil ami.

J’ai sans cesse sous les yeux, dans ma masure d’exil, plusieurs œuvres fortes et éclatantes signées Louis Boulanger. Je les regarde, et je songe. — Où sont les roses d’antan ? — Vous êtes toujours mon peintre aimé, mon compagnon regretté, un de ces doux frères du commencement, plus précieux et plus chers encore à la fin.

Je me mets aux pieds de votre femme, cher Louis, et dans vos bras.

V.[1]


À Alfred Asseline.


H. H., 14 avril 1866.

Tu as tout bonnement écrit six pages exquises. La dernière est grande et belle. Tu fais dignement la forte explication du Moïse : « Tu es le génie et tu exprimes Dieu. » Cela est superbe. Et tout ce que tu dis de la langue et du style ! c’est neuf, vrai et savant. C’est de la haute critique, de la critique d’artiste et de poëte. Le poëte est le premier des critiques, de même qu’il est le premier des philosophes ; il sait le fond de l’art et la loi de l’idéal.

Quelle belle analyse tu fais des Travailleurs de la Mer, au triple point de vue sujet, composition et style. En quelques mots, tout est dit. Je fais bien mieux que te remercier, je te félicite.

Deux choses sous ce pli :

1° Un bon pour retirer chez Lacroix ton exemplaire.

2° Une première page signée de moi que tu feras coudre en tête du premier volume.

Et à bientôt et à toujours.

Siempre tuyo.

V. H.
  1. Archives de la famille de Victor Hugo.