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Serez-vous assez bon pour transmettre ce pli à Guérin et cet autre à M. Albert Glatigny[1] qui m’écrit de Lille sans me donner son adresse. Vous la savez peut-être.

Si vous croyez que ce petit fait vaille la peine d’être communiqué à la presse, je vous l’envoie.


À Swinburne[2].


Hauteville-House, 23 janvier 1866.

Monsieur, mon fils, le traducteur de Shakespeare, est en ce moment près de moi. Il m’a fait une nouvelle lecture de votre pathétique drame de Chastelard. J’ai pu, grâce à lui, en saisir mieux toutes les beautés. Il était charmé de vous traduire après avoir traduit Shakespeare, et il sentait en vous une continuation de cette sublime poésie.

Votre œuvre est au plus haut point émouvante et humaine. Elle parle à la fois au cœur et à l’âme, au cœur par la passion, à l’âme par l’idéal. Un

  1. « Pauvre Albert Glatigny ! la mauvaise chance le poursuivit toute sa vie, et malgré son réel talent de poëte, il ne connut jamais le succès. Les Vignes folles, écrites à vingt ans, ne furent publiées qu’en 1860 ; il en avait fait paraître quelques vers dans les journaux ; on l’imprimait, mais on ne le payait pas. L’illustre Brizacier, pièce fort intéressante dans laquelle Glatigny s’était peint lui-même, ne fut représenté qu’après sa mort. Il admirait passionnément Victor Hugo qui ne lui refusa jamais son appui, et même, après la mort du poëte, obtint pour sa veuve une pension.
  2. Communiquée par le British Museum, Londres. — Voici la lettre qui annonçait à Victor Hugo l’envoi du drame Chastelard :
    « Aug. 10/65.
    « Monsieur,
    « Vous avez peut-être oublié, parmi tant de choses plus importantes qui doivent vous occuper, que vous avez bien voulu, il y a maintenant deux ans, accepter la dédicace du livre auquel je travaillais encore ce temps-là. C’est ce livre que je vous envoie aujourd’hui.
    « Ce n’est qu’une œuvre de collégien que je vous dédie ; mais puisque vous avez trouvé dans les articles imparfaits et tronqués que j’ai pu publier sur Les Misérables, quelque chose qui ne vous a pas déplu, j’espère que vous recevrez avec la même bonté le livre que j’ose enfin vous offrir. Croyez au moins que si j’avais quelque chose de meilleur à vous envoyer, je ne vous enverrais pas une œuvre d’adolescent. Peut-être ferai-je mieux à trente ans ; mais en attendant j’ai voulu vous donner ce que j’ai de mieux. S’il y a dans ce livre, comme on m’a dit à Paris et à Londres, quelque chose de bon, c’est à vous que je le dois (*). Grâce à vous, je sais au moins qu’il y a une page qui ne périra pas : c’est celle qui porte votre nom.
    « Recevez, monsieur, l’assurance de ma profonde admiration et de ma reconnaissance éternelle.
    « Algernon Swinburne. »
    (*) Les lignes en italiques sont rayées.