— Vous savez, ce pauvre Henry que vous aviez surnommé le laboureur, un peu sauvage, mais bon ouvrier. Ce matin il est venu chez moi fort gai, il a travaillé, puis a été travailler dans un jardin voisin au grand soleil. Je travaillais aussi sur mon toit. Tout à coup Henry est tombé comme foudroyé. Nous avons envoyé chercher tous les médecins possibles. On l’a sinapisé. Rien ne l’a réveillé. On l’a transporté chez lui au Catel, à deux lieues d’ici. J’y suis allé. Je me suis approché de son lit. Sa femme m’a dit : il n’a pas ouvert les yeux. On lui parle. Il ne répond pas. Il ne connaît plus personne. — Je lui ai pris la main, et j’ai crié à haute voix : Henry. Il a ouvert les yeux et a dit : Ah ! Monsieur ! Puis il a souri. On espère maintenant le sauver.
Cher Auguste, je vous aime du fond du cœur.
Vous avez bien fait de m’envoyer vos vers. Ils sont émus et touchants. On y sent la palpitation d’un jeune et noble esprit. Courage, mon doux poëte. Adorez passionnément la vérité, la justice et la liberté, et aimez-moi un peu.
Prince, votre lettre du 2 mai m’arrive aujourd’hui 5. Je serai charmé de vous voir et de serrer la main qui a écrit ces nobles, éloquentes et vaillantes pages[4].
- ↑ Bibliothèque Nationale.
- ↑ Inédite.
- ↑ Deux ans après avoir envoyé ces vers à Victor Hugo, Jean Aicard publia son premier volume : Les Jeunes croyances ; il avait dix-neuf ans. Alors, de 1867 à 1919, se succédèrent poésies, romans (le plus lu actuellement est Maurin des Maures), à-propos, études, drames, comédies (la plus applaudie, Le Père Lehonnard, connut un grand succès dans toute l’Europe et entra, en 1889, au répertoire de la Comédie-Française). — Communiquée par M. Léon de Saint-Valéry.
- ↑ La France sous le régime bonapartiste.