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1852.


(À Madame Victor Hugo)
Madame Rivière
37, rue de la Tour d’Auvergne.


5 janvier [1852] Bruxelles.

Je commence, chère amie, par répondre à tes cinq questions, et je réponds oui sur toutes. J’ai reçu le papier timbré et je t’ai écrit (dans la lettre qui contenait les 2 000 francs pour Guyot) ce que m’avait dit le notaire Vanderlinden à ce sujet. J’ai reçu l’excellente lettre d’Auguste et je lui répondrai en détail, dis-le lui bien, dès que les inventions de Louis Bonaparte à l’endroit de la presse auront pris la forme de lois et seront connues. Alors seulement on pourra statuer sur l’Avènement ou l’Événement. Si cela est possible avec dignité, je ne résisterai pas à la reprise du journal. Nous examinerons ensemble, et ce que voudra Auguste, je le voudrai.

J’ai reçu toutes les lettres de mes chers enfants, et toutes les tiennes, et plus elles sont longues, et plus elles me charment. Ainsi, n’ayez pas peur de faire des volumes. La brochure de Granier[1] m’est également parvenue, et j’y ai remarqué l’omission de mon nom[2]. Enfin, pour répondre à tout, tu peux, le cas échéant et pour des choses peu secrètes, m’écrire directement à M. Lanvin, 16, place de l’Hôtel de Ville. J’y suis installé d’aujourd’hui et j’ai prévenu mon hôte que si l’on demandait M. Lanvin, c’était moi, et que si

  1. Granier de Cassagnac, professeur de littérature à Toulouse, vint à Paris où il connut Victor Hugo qui le fit entrer au Journal des Débats ; ses articles de critique littéraire furent très appréciés. Pourtant ses violentes attaques contre Racine inquiétèrent le directeur des Débats et Granier de Cassagnac entra à La Presse qui convenait mieux à son ardeur de polémiste. Il évolua vers la politique en 1848 et fit une vive opposition au gouvernement républicain ; oubliant qu’il avait, lors des tentatives de Strasbourg, couvert d’injures Louis Bonaparte, il approuva et soutint sa politique. Élu en février 1852 dans le Gers, il fut partisan et courtisan de l’empire jusqu’à sa chute ; puis après le 4 septembre 1870, il quitta la France et continua sans succès à l’étranger sa propagande bonapartiste. En 1876, il fut élu député de Mirande. Il laissa plusieurs volumes d’histoire.
  2. La brochure de Granier de Cassagnac, apologie du coup d’État, venait d’être publiée sous le titre : Récit authentique des événements de décembre 1851. C’est certainement volontairement qu’il n’avait pas nommé Victor Hugo ; il n’avait pas voulu le mêler à ceux qui avaient osé réclamer la déchéance de Louis Bonaparte, ce qui, à ses yeux, était un crime ; il se souvenait sans doute que l’exilé avait autrefois demandé et obtenu pour lui la croix.