Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

empressement votre offre de m’envoyer une planche et je m’essaierais allègrement à l’eau-forte. Je serais passionné pour cela. La réputation quelconque de mes pauvres dessins, si dessins il y a, a été bien endommagée par le défaut, non de talent, mais de conscience du dernier graveur ; (où est Marvy[1], hélas !), et si je tenais à me réhabiliter de ce côté, je ferais une eau-forte qui serait tout bonnement moi-même ; mais à quoi bon ? Vous et quelques connaisseurs, vous voulez bien ne pas jeter mes barbouillages au panier, cela me suffit. Et puis l’eau-forte m’amuserait, m’attacherait, m’accoquinerait. J’y passerais des jours et peut-être des nuits, et mon temps ne m’appartient pas. Je ne suis pas sur cette terre pour mon plaisir. Je suis une espèce de bête de somme attelée au devoir. Et voilà qu’à cette heure, le temps s’abrège pour moi, et je ne sais si je pourrai achever ce que j’ai à faire. Donc, en commençant comme en finissant, Merci.

Je vous ai envoyé ces jours-ci un gros volume[2]. Je pense que vous l’avez reçu. Qu’il soit le bienvenu près de vous, je serai charmé s’il plaît un peu à votre noble et délicat esprit.

Je vous serre bien cordialement la main.

Victor Hugo[3].


À Garibaldi.


24 avril. H.-H.
Cher Garibaldi,

Je ne vous ai pas écrit de venir, parce que vous seriez venu ; et quel que pût être mon bonheur de vous serrer la main, à vous le héros vrai, quelle que pût être ma joie de vous recevoir dans ma maison, je vous savais mieux occupé, vous étiez dans les bras d’une nation, et un homme n’a pas le droit de vous enlever à un peuple[4].

Guernesey salue Caprera, et peut-être un jour lui fera visite. En attendant, aimons-nous.

Le peuple anglais donne en ce moment un noble spectacle.

Soyez l’hôte de l’Angleterre après avoir été le libérateur de l’Italie, c’est beau et c’est grand. Qui est applaudi sera suivi. Votre triomphe en Angleterre est une victoire pour la liberté. La vieille Europe de la Sainte Alliance

  1. Marvy s’est fait apprécier pour ses belles gravures des tableaux de Decamps, Corot, Cabat, etc. Il grava aussi de nombreux dessins de Victor Hugo.
  2. William Shakspeare.
  3. Lettre à Philippe Burty. La Revue, octobre 1903. Article non signé.
  4. Garibaldi recevait à Londres un accueil triomphal.