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À Paul Meurice.


9 mai [1862].

Cher triomphateur, chère tête couronnée, je vous jette mes bras au cou ; vous trouvez le moyen de m’apercevoir au centre de votre éblouissement et du haut de votre succès, et vous m’écrivez d’adorables lettres. Merci pour tout le bien que me fait votre douce chaleur d’âme. J’ai écrit hier à Auguste ; je lui envoie une liste de noms nouveaux (avec des premières pages) auxquels il faudra donner Les Misérables (MM. Laurent-Lappé du Courrier du Dimanche, Jules Claretie, A. Neveu, Tappin, Rodet, Feyrnet, L. de Cormenin[1], tous auteurs d’articles). Il va sans dire qu’il faut continuer l’envoi à tous les noms de la liste ancienne que vous avez. Je n’ai reçu aucun signe de vie de Crémieux ni de Méry. Il faut continuer l’envoi pourtant. Rien n’est plus facile que de paraître, tout, avant la fin de juin. Il importe de ne pas retarder la deuxième et la troisième partie au delà du 14 mai. Vous commencez à entrevoir que les retards viennent de Lacroix et non de moi ; ma présence ou mon absence n’y font rien ; je crains qu’il n’ait, comme vous le devinez, quelque raison de publication simultanée partout qui entraîne des ajournements. Je m’y oppose de toutes mes forces. Je lui ai écrit pour cela.

J’ai écrit très affectueusement à Cuvillier-Fleury, et j’ai fait appel à sa délicatesse pour qu’il couvre au moins littérairement le livre qu’il a découvert politiquement. Cela importe, car si après l’avoir déclaré un danger en politique on le déclare une rapsodie en littérature, on fait le pont aux voies de fait du pouvoir, et on lui ôte son dernier scrupule. Une certaine inviolabilité littéraire serait importante maintenant, il y a péril.

Voyez comme la rapidité est facile. J’ai envoyé aujourd’hui la dernière feuille corrigée (31) du tome VII, sur lequel ils ont vingt-six bon à tirer. J’ai envoyé hier le premier tiers du manuscrit du tome IX. Le 20 au plus tard, ils auront toute la cinquième partie. À partir d’aujourd’hui, on a trois volumes, pas plus, à imprimer. Six semaines suffisent, et au delà. Je corrigerai, si l’on veut, dix feuilles par jour. On peut publier la quatrième partie le 5 juin, et la cinquième le 25 au plus tard, mais je crains que MM. Lacroix n’aient pas assez de caractère. Ils sont obligés d’attendre qu’une feuille soit tirée pour la décomposer.

Mille tendresses.
V.[2]
  1. Louis de Cormenin, tour à tour bonapartiste, royaliste sous Louis XVIII et Charles X, participa activement la république de 1848, puis se rallia à l’empire ; dans plusieurs journaux il fit de la critique littéraire.
  2. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.