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Je ne puis commander les fauteuils sans voir des modèles avec les prix, et choisir. Le plat d’argent serait un fort et épais bassin d’argent sans ornement aucun, allant sur le feu pour faire les plats sucrés, adorés de Julie.

17 mars.

Ah ! par exemple, tu te méprends bien. La solitude que je rêve, veux-tu en voir l’idéal ? Nous tous ici, Charles dans sa chambre, Auguste dans sa chambre, et toutes sortes de couples illustres et charmants, M. et Mme Paul Meurice, M. et Mme Michelet, M. et Mme Charras, et puis George Sand, et puis Deschanel, et puis Parfait, et puis Dumas, et puis M. et Mme Bérardi, et puis Bancel, et puis Berru, et puis Hetzel, et j’ai invité et j’ai appelé Ulbach[1], Pichat, Despois, M. et Mme Lefort, M. et Mme L. Boulanger et M. Malot[2], l’ami de Victor, et vingt autres. Voilà mon désert. Il serait peuplé, comme tu vois[3].


À Albert Lacroix.


20 mars [1862].

Ô homme de peu de foi ! sachez donc attendre. Souvenez-vous de ce que je vous ai écrit du succès des douze mois et du succès des douze ans. Le drame rapide et léger ferait le succès des douze mois ; le drame profond fera le succès des douze ans. Or, il n’y a de drame profond que dans la vérité vivante et avec des personnages étudiés à fond, et réels de toutes pièces. Attendez, et vous verrez.

Du reste, cher monsieur, je suis bien touché, croyez-le, de tout ce que vous me dites d’enthousiaste et de charmant avec votre si fine et si vive intuition d’écrivain et de philosophe.

Vous verrez du reste que le drame ne perdra rien pour attendre. Seulement ici les proportions sont démesurées, le colosse Homme tout entier étant dans l’œuvre. De là ces grands horizons ouverts de tous les côtés. Il faut de l’air autour de la montagne.

Je vous serre la main.

V.[4]
  1. Louis Ulbach, journaliste devint directeur de la Revue de Paris en 1853 ; il fit dans Le Temps le feuilleton dramatique, écrivit nombre de romans. Il entretint avec Victor Hugo des relations très cordiales, il publia en 1885 L’Almanach de Victor Hugo et La Vie de Victor Hugo.
  2. Hector Malot fit de la critique littéraire, mais reste surtout comme romancier d’un genre tout spécial. De son œuvre, très touffue, il faut dégager Sans famille, qui eut un grand succès.
  3. Bibliothèque Nationale.
  4. Gustave Simon, La Revue, 15 mai 1909.