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À Albert Lacroix.


Dimanche, 19 janvier [1862].

Je vous envoie, monsieur, courrier par courrier, les cinq bon à tirer des cinq feuilles 6, 7, 8, 10 et 11. — Je vous recommande instamment les corrections. J’ai jugé inutile de vous réexpédier les pages sans faute. Je pense que vous comprendrez aisément les petits fascicules ci-inclus.

On a généralement négligé de corriger D… il faut D. — Veuillez, je vous prie, le rappeler aux correcteurs.

J’attends, pour vous envoyer le manuscrit de la deuxième partie, votre réponse à ma dernière lettre.

Il court, me dites-vous, des vers signés de moi sur l’affaire de Charleroi[1]. Ces vers ne sont pas de moi. Je suis tellement enfoui dans le travail depuis six semaines, et ce travail me fait un tel redoublement de solitude, que je n’ai pu lire un journal tous ces temps-ci, et que je ne connais pas l’affaire de Charleroi. C’est la première fois depuis dix ans que je m’isole à ce point. Je ne trouve, certes, pas mauvais qu’on use, et même qu’on abuse de mon nom pour le bien ; mais l’invraisemblable, c’est, dans ma position, de me faire écrire à un roi, fût-ce au roi Léopold, dont j’apprécie toutes les qualités, comme homme et personnellement, mais auquel je ne pourrais écrire sans être illogique. Quand je suis intervenu en 1854 pour tâcher de sauver Tapner, je me suis adressé au peuple de Guernesey, non à la reine d’Angleterre. — Vous pouvez parfaitement démentir les vers qu’on m’attribue. Mais qu’est-ce donc que cette affaire de Charleroi ? est-ce que vraiment j’y pourrais être utile ? Si occupé et si absorbé que je sois, je me détournerais un moment de mon travail, s’il y avait là un devoir à remplir. Soyez assez bon pour m’écrire un mot à ce sujet.

Je recommande de nouveau mes corrections à votre excellente sollicitude et je vous serre la main.

V. H.

M. P. Meurice attend toujours. Il me semble qu’il serait grand temps de commencer l’édition de Paris[2].

  1. Neuf condamnations à mort venaient d’être prononcées à Charleroi. Un chef de la section des manuscrits à la Bibliothèque royale de Bruxelles n’hésita pas à adresser au roi Léopold des vers pour demander la grâce des neuf condamnés et signa ces vers : Victor Hugo. Il écrivit ensuite au poëte pour s’excuser. Victor Hugo publia alors la lettre qu’on peut lire dans Actes et Paroles. Pendant l’exil.
  2. Publiée en partie dans Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.