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À PAUL CHENAY.
À CHARLES RIBEYROLLES.


Il accepta l’exil ; il aima les souffrances ;
Intrépide, il voulut toutes les délivrances ;
Il servit tous les droits par toutes les vertus ;
Car l’idée est un glaive et l’âme est une force,

Et la plume de Wilberforce
Sort du même fourreau que le fer de Brutus.


1861.


À Paul Chenay.


Hauteville-House, 21 janvier 1861.

Cher M. Chenay, vous avez désiré graver mon dessin de John Brown, vous désirez aujourd’hui le publier ; j’y consens, et j’ajoute que je le trouve utile.

John Brown est un héros et un martyr. Sa mort a été un crime. Son gibet est une croix. Vous vous souvenez que j’avais écrit au bas du dessin : Pro Christo, sicut Christus.

Lorsque, en décembre 1859, avec une profonde douleur, j’annonçais à l’Amérique la rupture de l’Union comme conséquence de l’assassinat de John Brown, je ne pensais pas que l’événement dût suivre de si près mes paroles. À l’heure où nous sommes, tout ce qui était dans l’échafaud de John Brown en sort, les fatalités latentes il y a un an sont maintenant visibles, et l’on peut dès à présent considérer comme consommées la rupture de l’Union américaine, grand malheur, et l’abolition de l’esclavage, immense progrès.

Remettons donc sous les yeux de tous, comme enseignement, le gibet de Charlestown, point de départ de ces graves événements.

Mon dessin, reproduit par votre beau talent avec une fidélité saisissante, n’a d’autre valeur que ce nom, John Brown, nom qu’il faut répéter sans cesse, aux républicains d’Amérique, pour qu’il les ramène au devoir, aux esclaves, pour qu’il les appelle à la liberté.

Je vous serre la main.

Victor Hugo[1].
  1. Lettre autographiée. — Archives de la famille de Victor Hugo.