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mort. Vous aussi, vous vous tournez de ce côté-là maintenant. C’est la loi. Nous devons mourir successivement dans tous ceux que nous aimons pour revivre en eux plus tard.

Vous avez toutes les grandes et sérieuses préoccupations de la poésie et de l’art ; votre noble esprit pansera les blessures de votre cœur navré.

Courage, cher poëte. Je vous serre tendrement la main.


À Marie Hugo. [Carmélite.]


H.-H., 7 février 1860.

Tu as raison, chère Marie, de nous aimer toujours un peu car nous t’aimons bien. Je te sais heureuse, et c’est là une des douceurs de ma vie. Quand je t’écris, il me semble que c’est le sacrifice qui écrit au sacrifice. Nous obéissons à Dieu tous les deux. Il n’y a que cela de vrai sous le ciel.

Ta douce lettre nous a fait grand plaisir. Pense à nous, prie pour nous. Dieu écoute les anges ; il t’entendra.

Ma femme et moi nous t’embrassons tendrement.

Victor H.

Ta cousine et tes cousins t’envoient leur plus fraternel souvenir.

Ta belle-sœur Julie qui est chez moi en ce moment t’aime bien[1].


À George Sand.


Hauteville-House, 11 février 60.

Vous avez raison de m’aimer un peu. Je suis une tête fière, mais bonne, faite pour le rocher, de là mon exil, et pour l’amour, de là le reste de ma vie.

L’admiration, vous le savez, madame, est une sorte d’amour, et c’est cet amour-là que je sens pour vous, comme je le sens pour Virgile, pour Dante, pour Horace, et pour quiconque est philosophe. Ma solitude aime la vôtre, mon âpreté aime votre douceur, et il y a dans les belles choses que vous écrivez un rayonnement qui me convient.

  1. Louis Barthou, Les Amours d’un poète.