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vous êtes un des éblouissements de mon siècle, mais aussi parce que vous êtes une de ses consolations.

Je vous remercie.

Mais venez donc ici, vous me l’avez promis, vous savez. Venez-y chercher le serrement de main de tous ceux qui m’entourent et qui ne se presseront pas moins fidèlement autour de vous qu’autour de moi.

Votre frère.
V. H.


À Théodore de Banville[1].


Hauteville-House, 15 mars 1857.

Je viens de lire vos Odes. Donnez-leur l’épithète que vous voudrez (celle que vous avez choisie est charmante), mais sachez bien que vous avez construit là un des monuments lyriques du siècle. J’ai lu votre ravissant livre d’un bout à l’autre, d’un trait, sans m’arrêter. J’en ai l’ivresse en ce moment, et je me dirais presque que j’ai trop bu ; mais non, on ne boit jamais trop à cette coupe d’or de l’idéal. Oui, vous avez fait un livre exquis. Que de sagesse dans ce rire, que de raison dans cette démence, et sous ces grimaces, quel masque douloureux et sévère de l’art et de la pensée indignée ! Je vous aime, poëte, je vous remercie d’avoir sculpté mon nom dans ce marbre et dans ce bronze[2], et je vous embrasse.

Victor Hugo[3].


À Herzen[4].


Hauteville-House, 15 avril 1857.

Cher proscrit, cher frère d’exil, merci de vos grandes et nobles paroles sur ce vaillant mort[5]. Vous avez parlé de Worcell[6] comme Worcell eût

  1. Avant tout poëte exquis et complet, Banville s’illustra dans tous les genres : auteur dramatique, conteur, critique littéraire et dramatique, il collabora à plusieurs journaux. Grand admirateur et disciple de Victor Hugo, il lui consacra maint poème ; le plus connu est une ballade, publiée en 1869, et dont le dernier vers de chaque strophe est resté célèbre : « Mais le Père est là-bas, dans l’île ».
  2. Ces vers avaient été envoyés à Victor Hugo en 1841 (Banville avait 18 ans) ; ils furent publiés en 1857.
  3. Gustave Simon. Revue de France ; avril 1923.
  4. Inédite.
  5. Herzen avait envoyé à Victor Hugo son article sur la mort de Worcell.
  6. Worcell, socialiste démocrate polonais, ne cessa de protester contre les violences que son pays subissait ; par son exemple et ses écrits, il entraînait ses compatriotes à la lutte.