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À Edmond About[1].


Hauteville-House, 23 décembre [1856].

L’exil a peu de loisirs, et ce n’est qu’ici, dans l’espèce de calme momentané qui suit toutes les recrudescences de persécution, que j’ai pu enfin lire vos deux beaux et charmants volumes, Tolla et la Grèce. Mes fils, vos anciens camarades, m’avaient souvent parlé de vous. Tout ce qu’ils promettaient en votre nom, vous le tenez, et c’est de tout mon cœur que je vous félicite. Vous avez le talent, vous avez le succès, vous êtes jeune ; la charge d’âmes commence pour vous.

Un proscrit est une espèce de mort ; il peut donner presque des conseils d’outre-tombe. Soyez fidèle à toutes ces grandes idées de liberté et de progrès qui sont le souffle même de l’avenir dans toutes les voiles humaines, dans la voile du peuple comme dans la voile du génie.

Dédaignez tout ce qui n’est pas le vrai, le grand, le juste, le beau. Vous avez une nature de lumière ; je me bornerais volontiers à vous dire : soyez-vous fidèle à vous-même.

Courage donc ! Vous entrez vaillamment et de plain-pied dans l’avenir.


À Paul Meurice.


25 décembre.

J’achève cette lettre omnibus[2]. C’est un embrassement du jour de l’an que je vous envoie à tous les deux.

Mon doux poëte, mon noble ami, continuez de faire de grandes et tendres choses. J’ai parlé de vous toute cette semaine avec une femme d’esprit qui vient de Paris, qui a vu et admiré L’Avocat des Pauvres et qui vous aime. Si je vous envoyais nos rabâchages sur vous, j’en emplirais dix pages, et je n’ai que dix lignes.

  1. Journaliste, romancier, Edmond About a tenu une place fort honorable parmi les écrivains du xixe siècle. Son roman le plus connu est Le roi des Montages. En 1871, il fonda Le xixe siècle.
  2. Cette lettre était écrite en effet par Charles, François-Victor. Vacquerie, Mme Hugo et était terminée par Victor Hugo.