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vous a traitée grandement. Ne vous en plaignez pas. C’est un signe ; et il faut être fier d’une grande douleur comme d’une grande élection.

Et les consolations ne vous manquent pas, ni à votre vénérable mère ; votre frère est un éminent esprit, il va publier un beau livre, et il tracera dans le siècle un sillon de flamme. Vous avez un charmant fils, et un groupe d’âmes et d’anges qui prie là-haut. Remerciez Dieu.

Je mets mon amitié et mon respect à vos pieds, madame.

Victor Hugo[1].


À Paul Meurice[2].


Hauteville-House, 9 mai [1856].

Je passe ma vie à me faire des reproches à votre sujet. Comme je dois commencer à vous fatiguer ! dites-le moi donc un peu. Que d’embarras je vous donne ! Le 1er mai je vous ai envoyé huit lettres, le 6, quatre. En voici encore. Et vous avez l’ennui (tout cela vous parvient-il bien ?) de mettre ou de compléter les adresses et de faire jeter le tout à la poste. À ce propos, nous sommes en compte, et n’oubliez pas de mettre en note tous les petits frais, poste et autres, que les Contemplations occasionnent. — Et je ne vous ai même pas remercié de cet exemplaire papier de Hollande ! Dites-moi, je vous prie, toutes les injures que je mérite. La circonstance atténuante, c’est que je vis dans un tourbillon de lettres. — Serez-vous assez bon pour cacheter (de noir) les deux que voici à Michelet et à Peyrat[3], et les leur transmettre ? — Si vous voyez Janin, félicitez-le de ma part, le feuilleton que vous m’envoyez est superbe ; il parle de votre frère avec âme et tendresse, et il traite le Timon[4] magistralement. C’est de la haute correction, et le manche du fouet est en bois de laurier. — En attendant que je lui écrive, remerciez-le bien pour moi d’avoir mis mon nom dans cette éloquente page de poésie et de colère. — Voici le mois de mai qui lui aussi promulgue la paix, et qui réplique à l’hiver par des pluies de fleurs. Je vois avec joie grandir les jours, en pensant que ce beau soleil vous ramènera, et que vous ne voudrez certainement pas rendre Hauteville-House jaloux de Marine-Terrace dans cette année où j’ai fait et où vous avez mis au monde les Contemplations. Car, cher ami, cher poëte, si l’œuf est mien, c’est sous votre aile qu’il a été

  1. Collection de M. Pierre Lefèvre-Vacquerie.
  2. Inédite.
  3. Alphonse Peyrat, journaliste républicain, devint rédacteur en chef de La Presse ; puis fonda L’Avenir National en 1865. Il publia plusieurs volumes de critique et d’histoire.
  4. Article sur Timon d’Athènes, traduction de François-Victor.