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Je pars demain. J’ai dit au connétable : « Une terre où il n’y a plus d’honneur me brûle les pieds ».

Je vais à Guernesey. Écrivez-moi jusqu’à nouvel ordre à Guernesey, poste restante.

Avouez que vous devenez un peu bourgeois devant cette apocalypse du 6e livre et que vos cheveux se dressent du qu’en dira-t-on ?

Tuus[1].


À Madame Victor Hugo.


Guernesey, 3 heures après-midi,
1er novembre [1855].

Chère amie, nous voilà débarqués, non sans secousse. La mer était grosse, le vent rude, la pluie froide, le brouillard noir. Jersey n’est plus même un nuage, Jersey n’est rien ; l’horizon est vide. Il me semble que j’ai une suspension d’être ; quand vous serez ici tous, la vie reprendra.

La réception a été bonne ; foule sur le quai ; silence, mais sympathie, apparente du moins ; toutes les têtes se sont découvertes quand j’ai passé.

Je t’écris avec une vue admirable sous les yeux. Même dans la pluie et le brouillard, l’arrivée à Guernesey est splendide. Victor était dans l’éblouissement. C’est le vrai vieux port normand à peine anglaisé.

Le consul en cravate blanche (le Laurent d’ici) assistait à mon débarquement. Quelqu’un m’a dit qu’il avait salué comme les autres à mon passage.

Il paraît que les autorités locales auraient dit qu’on nous laisserait tranquilles ici, tant que nous ne donnerions pas de secousses. On nous regarde comme des voleurs. Mais les seaux d’eau n’éteignent pas les cratères[2].


À Paul Meurice.


Guernesey, Hauteville-Terrace,
11 novembre [1855].

L’une des premières lettres de mon troisième exil doit être pour vous. Vous devez savoir maintenant à Paris quelque chose de cet incident. Pyat a fait une lettre fort maladroite, vraie au fond, charivarique dans la forme, à

  1. Collection Louis Barthou.
  2. Bibliothèque Nationale.