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francs, payable le 10 octobre, c’est-à-dire dans six jours à partir d’aujourd’hui 4 ; je vous serai obligé de l’acquitter sur l’argent que vous avez à moi. Je crois être resté dans les limites du chiffre indiqué par vous. Je continue avec une autre plume[1]. J’ai remarqué que, pour moi du moins, le style épistolaire faisait meilleur ménage avec l’oie qu’avec le fer. Soyez donc assez bon quand vous verrez mon vieux et cher ami Louis Boulanger, pour lui dire que je l’aime toujours. Je suis incurable à l’endroit des vieilles affections. Remerciez pour moi M. de Mirecourt de sa bonne pensée ; je me rappelle M. de Mirecourt comme un aimable et vif esprit, et je serai charmé d’être entre ses mains[2].

Oh ! comme nous vous avons regretté, et comme nous avons pensé à vous et radoté de vous tout le temps que nous avons eu madame de Girardin. Elle a été charmante et très brave. Elle a grimpé, elle a dégringolé ; elle s’est plongée au fond de Piémont, héroïquement, comme madame Paul. Nous avons reparlé de vous à ces beaux vieux rochers. La mer a effacé vos traces de ce sable, mais non de notre souvenir. Elle a pourtant bien fait rage depuis ce temps-là. Et l’autre jour, n’a-t-elle pas failli m’entraîner comme je me baignais à la marée descendante. C’eût été bête. J’ai encore tant de choses à faire. J’ai nagé comme un homme qui n’est pas bonapartiste et je me suis tiré de là. — Rémy[3] va paraître enfin. — Encore trois semaines. — Je suis charmé que ma pierre soit sur vos feuillets[4]. Elle me fait l’effet du cachet de Salomon pesant sur les génies. — Donnez-leur la volée[5].


À Arsène Houssaye.


Jersey, 14 octobre 1853.

Mon cher poëte, vous gouvernez toujours le Théâtre-Français, ce dont je vous plains un peu et je félicite beaucoup le théâtre. Quant à moi, je

  1. Tout le début de cette lettre est d’une écriture très fine et d’une lecture difficile.
  2. Mirecourt se fit connaître en publiant, en 1845, un pamphlet contre Alexandre Dumas : Fabrique de romans ; maison Alexandre Dumas et Compagnie ; Dumas, à la suite de cette publication, intenta un procès en diffamation à Mirecourt qui fut condamné à six mois de prison. Il entreprit en 1854 une série de portraits sous le titre : Galerie des contemporains et consacra l’un de ses premiers petits volumes à Victor Hugo. Plus tard, passant de la louange à l’insulte, en 1862, il fit paraître Les Vrais Misérables, diatribe violente contre le roman et son auteur.
  3. Rémy était le titre sous lequel on désignait, par prudence, Les Châtiments.
  4. « ... J’avais précisément sous les yeux un galet que vous m’avez donné et où vous avez écrit votre nom et la date 31 août 1852. Havre du Pas. Ce cher caillou ne quitte pas ma table et je serre dessous les feuillets que j’écris, cela leur doit porter bonheur ». Lettre de Paul Meurice.
  5. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.