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votre pressant appel. Malheureusement, la gravité des circonstances politiques est telle, que les représentants du peuple ne peuvent déserter leur poste à l’Assemblée nationale, ne fût-ce que pour quelques jours. Les débats qui s’engagent peuvent à chaque instant nous réclamer et nous appeler à la tribune.

C’est un profond regret pour moi. J’eusse été heureux de serrer à Londres toutes ces mains si fraternelles et si cordiales qui voulaient bien chercher la mienne à Paris ; j’eusse été heureux d’élever de nouveau la voix au milieu de vous pour cette sainte cause qui triomphera, n’en doutez pas ; car elle n’est pas seulement la cause des nations, elle est la cause du genre humain ; elle n’est pas seulement la cause du genre humain, elle est la cause de Dieu.

Quoique loin, je serai parmi vous, je vous entendrai, je vous applaudirai, je m’unirai à vous. Comptez sur moi de loin comme de près. Tous les efforts de ma vie tendront à ce grand résultat : la concorde des peuples, la réconciliation des hommes, la paix ! Nous avons tous ici la ferme et ardente foi qui assure le succès ; dites-le, je vous prie, au nom de vos amis de France à nos amis d’Angleterre.

Recevez, messieurs, l’assurance de mes sentiments les plus fraternels.

Victor Hugo[1].


À Monsieur Gustave d’Eichtal[2].


26 octobre 1849.

Les idées qui vous occupent m’occupent aussi. Je vais même au delà. Mais à l’heure où nous sommes peut-on tout dire à la fois ? Quand la flamme est faible, trop d’huile éteint la lampe. Il y a des choses qu’il faut taire, des lueurs qu’il faut voiler, des perspectives qu’il faut masquer, des réalités futures qui seraient des chimères pour le temps présent. L’homme

  1. L’Événement, 4 novembre 1849. Reproduite dans Actes et Paroles. Avant l’Exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  2. Gustave d’Eichtal, publiciste, collabora au Globe et à L’Organisateur et y traita du saint-simonisme auquel il se ralliait. Après les persécutions dont les saint-simoniens furent victimes, il se réfugia en Grèce, puis revint en France en 1836 et y publia Les Deux Mondes, étude sur la question d’Orient, et plusieurs ouvrages de critique biblique et philosophique. Il eût voulu que la langue grecque devînt la langue universelle.