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punisseurs d’être forts. Laissons donc là les vieilles maximes, et prenons-en notre parti. Oui, le droit, le bon sens, l’honneur et la vérité ont raison d’être indignés, et ce qu’on appelle leur violence n’est que leur justice. Jésus était violent, il prenait une verge et chassait les vendeurs, et il frappait de toutes ses forces, dit Saint-Chrysostôme.

Vous qui êtes l’esprit et le courage même, abandonnez aux faibles ces sentences contre les forts. Quant à moi, je n’en tiens nul compte, et je vais mon chemin, et comme Jésus, je frappe de toutes mes forces.

Napoléon-le-Petit est violent. Ce livre-ci sera violent. Ma poésie est honnête, mais pas modérée.

J’ajoute que ce n’est pas avec de petits coups qu’on agit sur les masses. J’effaroucherai le bourgeois peut-être, qu’est-ce que cela me fait si je réveille le peuple ? Enfin n’oubliez pas ceci : je veux avoir un jour le droit d’arrêter les représailles, de me mettre en travers des vengeances, d’empêcher s’il se peut le sang de couler, et de sauver toutes les têtes, même celle de Louis Bonaparte. Or ce serait un pauvre titre que des rimes modérées. Dès à présent, comme homme politique, je veux semer dans les cœurs, au milieu de mes paroles indignées, l’idée d’un châtiment autre que le carnage. Ayez mon but présent à l’esprit : clémence implacable.

Je vous envoie, du reste, car je veux que vous sachiez bien quel ouvrage vous allez publier, je vous envoie une pièce qui vous donne la couleur du volume entier. C’est à propos de ma déclaration de Jersey publiée au Moniteur, c’est une réponse aux sottises qu’on a dites et aux chenapans qui nous ont appelés le parti du crime. Lisez et voyez.

Vous comprendrez après avoir lu cela à quel point il faudra que l’impression se fasse mystérieusement. — Du reste, je vous dirai que cette pièce répond ici aux sentiments de tous et des meilleurs, comme Schœlcher, par exemple, qui applaudit des deux mains. Je crois que nous n’avons pas d’autre position à prendre que celle-là, énergie indomptable dans l’exil, afin d’avoir puissance modératrice dans le triomphe. Nous serons modérés quand nous serons vainqueurs. Ce volume d’ailleurs reproduit complètement l’esprit de Napoléon-le-Petit où l’appel aux armes et l’horreur des représailles sanglantes sont à chaque page. — Figurez-vous que vous allez publier quelque chose comme Napoléon-le-Petit en vers.

Gardez ces vers pour vous. Il me semble inutile de les déflorer par des communications anticipées. Montrez-les pourtant, si vous le jugez à propos, à nos co-contractants. S’ils persistent, vous m’enverrez le traité, et je vous expédierai le manuscrit. Mais en plus de trois fois, et avec des intervalles dans l’envoi. Il faudrait imprimer et publier d’ici à un mois. — On le peut.

Le spécimen est bien. J’ai reçu la lettre de M. de Pouhon. Avez-vous