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Qu’en dites-vous ? — À bientôt une plus longue lettre. Ceci n’est que pour vous serrer la main. — Pourquoi Cappellemans ne m’écrit-il plus ?[1]


À Hetzel.


21 décembre [1852].

Par quel moyen vous ferai-je tenir le manuscrit ? Il faut une voie sûre. Creusez votre excellente et spirituelle tête et trouvez-moi un procédé d’expédition du manuscrit à l’abri de tout danger d’infidélité.

Je vous avais dit 1 600 vers, il y en aura près de trois mille. La veine a jailli ; il n’y a pas de mal à cela. Cela fera un volume gros comme la moitié de Nap.-le-Petit (environ 250 pages) ; il faudra, ce me semble, un caractère plus fin que Nap.-le-Petit qui, je crois, serait trop large pour les alexandrins. Avez-vous ce caractère ? Il le faudrait fin, étroit et très lisible. Faites donc faire un spécimen (25 vers à la page) que vous m’enverrez dans une lettre. — Je suis de votre avis sur le mot Vengeur et je préfère aussi les Vengeresses[2]. Cependant ne vous attendez pas à ce que ce livre soit aussi impersonnel que Nap.-le-Petit ; il n’y a pas de poésie lyrique sans le moi. — J’ai lu ici quelques pièces à plusieurs de mes amis, et j’ai été content de l’effet.

Je reviens à Vengeresses. Rimes est parfaitement inutile et ôterait du sérieux. On s’attendra à Judith, à Ch. Corday, etc. Eh bien, qu’importe ? Avec les Orientales ne pouvait-on pas s’attendre aussi à des femmes comme celles de Byron, à des Haydée, à des Rebecca, etc. Cela n’a rien fait. — On saura bien vite qu’il n’est pas question d’Holopherne ni de Marat, mais de Louis Bonaparte. — Somme toute je reviens à mon titre et je m’y cramponne.

Ne voulait-on pas me faire changer aussi Napoléon-le-Petit ? Souvenez-vous de ma résistance à tous, vous excepté. J’avais raison.

Impossible que les épreuves soient corrigées par d’autres que par moi[3].

  1. Publiée en partie dans Les Châtiments. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.Collection Jules Hetzel.
  2. Hetzel lui avait écrit : « J’aime mieux les Vengeresses que le dernier titre : Le Chant du Vengeur. Il faut que le titre, que son idée soit impersonnelle. C’est vous qui semblez ce vengeur et non votre livre. Je disais : Rimes vengeresses parce que le mot Vengeresses tout court donne le change sur le but du livre. Cela a l’air de dire Charlotte Corday, Jeanne d’Arc, Judith et toutes les héroïnes qui ont pour but de venger. Les Orientales et autres ne peuvent offrir un double sens. Le Chant du Vengeur tombe tout à fait dans cet inconvénient.
  3. Lettre d’Hetzel : « Nous ferons des épreuves sur papier mince. Nous les enverrons par la poste comme des lettres en les affranchissant si vous ne pouvez vous passer de les revoir, ce que Dumas, Deschanel et moi pouvons faire cependant ».