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Londres. Il consent à donner son nom pour la couverture, mais ne veut pas écrire la lettre ; il n’y a pas eu moyen de lui faire comprendre que cela était sans inconvénient aucun pour lui. Vous avez dû recevoir une lettre de moi, de Londres, à ce sujet. Vous pouvez du reste, user de son nom.

J’ai trouvé à Jersey d’immenses sympathies ; toute l’île m’a reçu sur le quai au débarquement, et j’ai été profondément touché des manifestations des proscrits et des habitants. Les proscrits m’assurent qu’on vendrait dans l’île seulement 1 000 ou 1 500 Napoléon-le-Petit. Vous pouvez dans tous les cas tâter le terrain, en en envoyant deux cents ou deux cent cinquante, qui seraient, je crois, enlevés tout de suite. Le passage en France, par les bateaux pêcheurs, serait, dit-on, très facile. Ils vont et viennent constamment, et on ne les visite pas[1]


À Madier de Montjau[2].


Jersey, dimanche 8 août [1852].

Cher collègue, je suis arrivé ici jeudi, mais impossible d’écrire avant aujourd’hui, le paquebot pour Londres ne partant que demain. J’ai passé trois jours à Londres, j’y ai vu Louis Blanc, Schoelcher et Mazzini ; Ledru-Rollin était à la campagne. J’ai représenté à Mazzini les inconvénients d’une prise d’armes actuelle en Italie ou en Hongrie et sans la France ; je lui ai dit que nous étions unanimes sur ce point en Belgique ; qu’une tentative avec la France était encore impossible à l’heure qu’il est, qu’une tentative sans la France avorterait certainement, donnerait au despotisme européen le prétexte qu’il cherche, et amènerait certainement un redoublement de compression ; confiscation de la liberté ou de ce qui en reste en Belgique, en Suisse, en Piémont et en Espagne, suppression de tous nos moyens de propagande en France par ces quatre frontières encore à moitié libres, contre-coup même en Angleterre, etc. Enfin la situation empirée à tous les points de vue. Il m’a paru comprendre, il m’a affirmé qu’il pensait là-dessus comme nous tous, mais qu’il était débordé, que la Lombardie en particulier voulait absolument se lever, que depuis deux mois il n’était occupé qu’à retenir et à arrêter, mais qu’on le menaçait de se passer de lui, qu’il avait donc la main forcée, que pourtant, sur nos observations, il ferait son possible pour ajourner encore. J’ai terminé l’entretien qui a duré deux heures, en lui disant que pour nous et hors de tout esprit de nationalité étroite, l’avenir était plus que

  1. Album d’autographes donné par Mme  Victor Hugo à Mme  Ch. Asplet. — Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  2. Inédite.