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1845.


À Monsieur Deschamps,
Ministre des travaux publics, à Bruxelles.


Paris, 27 janvier 1845.

Rien ne pouvait, monsieur le ministre et ancien ami, me toucher plus vivement que votre souvenir. Vous êtes monté où vous deviez monter, vous servez votre pays, vous faites de nobles et utiles choses, vous vous souvenez de moi, tout est bien.

Vous avez raison de compter sur moi pour l’avenir dont vous me parlez avec tant d’éloquence. Il y a en vous un cœur élevé, il y a en moi une âme sympathique. Nous sommes de la même patrie, nous travaillons en commun pour les mêmes idées.

M. B… vous aura redit notre conversation. Il vous aura redit combien j’abonde dans le sens de vos généreuses vues. Quelque jour, j’espère, il me sera donné d’en causer à cœur ouvert avec vous-même. Ce jour sera peut-être bon et utile à bien des choses, mais surtout il sera doux pour moi.

M. Luthereau qui vous remettra cette lettre, est un homme digne de tout votre intérêt, permettez-moi de vous le recommander. M. Luthereau est tout à la fois un lettré de beaucoup de mérite et un artiste de beaucoup de talent ; il est peintre et écrivain. Par-dessus tout, c’est un cœur honnête et une rare intelligence que je crois propre à toutes les affaires et digne de tous les succès. Que la chaleur de cette recommandation ne vous surprenne pas. Vous savez comme j’aime les lettrés en général et tout lettré en particulier. Je me sens vivre en eux ; quand ils souffrent, je souffre avec eux ; quand ils espèrent, j’espère avec eux ; quand ils travaillent, je suis avec eux. Il me semble que mon cœur a des fibres qui répondent au cœur de chacun d’eux. M. Luthereau est entre tous un de ceux qui m’intéressent le plus vivement.

J’espère, cher et ancien ami, que vos grands travaux vous permettront de continuer cette douce correspondance que vous avez reprise si affectueusement, j’espère que vos grandes idées vous y pousseront. Croyez que je suis à vous, à votre pays et à votre pensée du fond de l’âme.