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À Louis Boulanger.


Samedi, 10 septembre [1843].

Cher Louis, j’avais commencé à vous écrire une longue lettre et je vous écris quatre lignes. Vous savez. Je vous écris dans le désespoir. Vous êtes mon ami, il faut bien que je partage cette douleur avec vous. Dieu nous a repris l’âme de notre vie et de notre maison. Ô pauvre enfant, pauvre ange, elle était trop heureuse. J’avais donc raison dans mes rêveries qui étaient si souvent attachées sur elle, d’être effrayé de tant de bonheur. Cher Louis, aimez-moi. J’accours à Paris, mais j’ai voulu vous écrire. Hélas ! j’ai le cœur navré[1].


À Paul Foucher.


16 septembre 1843.

Mon pauvre Paul, mon bon Paul, tes vers sont déchirants et ravissants à la fois ; ils m’ont remué les entrailles, je t’en remercie, mais je ne puis me séparer de ce portrait. Figure-toi, mon pauvre ami, qu’elle l’avait fait faire pour moi, qu’elle allait tous les jours avant son mariage chez M. Édouard Dubufe[2] pour cela, qu’elle me l’a donné avec son dernier adieu ; je l’avais couché dans le lit comme mon enfant, comme mon trésor : en arrivant, c’est la première chose que j’ai cherchée ; ne le trouvant pas, j’ai tout remué dans ma chambre ! comprends cela, pardonne-moi, après tes charmants vers, je ne devrais rien te refuser ; je te refuse pourtant ce portrait ; pardonne-moi ; c’est mon ange, vois-tu, il faut qu’elle soit près de moi[3].

  1. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Édouard Dubufe, peintre de talent, se consacra d’abord à la peinture religieuse, puis se spécialisa dans le portrait. Celui de Léopoldine est à la Maison de Victor Hugo.
  3. Collection de M. Armand Godoy.