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désire ardemment, dans tout ce que vous aimez ? Le printemps est-il doux et charmant à Bel-Air[1], vous épanouissez-vous au milieu des rayons, des parfums et des chants d’oiseaux, et le bon Dieu vous dédommage-t-il des affreux spectacles qui ont contristé votre noble esprit au mois de novembre dernier ? Ces questions que je vous adresse en ce moment avec une sollicitude presque filiale, nous nous les faisons tous les soirs sur notre balcon de la place Royale en regardant les étoiles et en songeant à nos amis. Ma famille, quand elle parle de vous, est comme une moitié de la vôtre. Mes petites filles vous aiment comme moi. J’écris avec intention cette phrase amphibologique, parce que les deux sens en sont vrais.

Je pense que je serai reçu à l’Académie le 3 juin. Je vous chercherai et vous regretterai. Votre fils y sera[2], ce doux et charmant poëte, voisin de Lamartine de plus d’une manière. Il y sera, et je lui enverrai du regard toutes les bonnes pensées que j’ai dans le cœur pour vous.

Travaillez, mon noble confrère, vous le devez à votre pays, et vivez longtemps, vous le devez à vos amis.


À Alfred Asseline[3].


9 juin [1841].

Ta lettre est charmante, mon bon petit Alfred, et tes vers sont charmants aussi. Lettre et vers m’ont vivement touché. Tu as raison de voir en moi plus qu’un poëte, un homme ; plus qu’un cousin, un ami. Continue à élever vers les choses de la pensée ton cœur et ton esprit. Vois-tu, la pensée, c’est la grande maison, c’est la grande église, c’est la grande patrie.

Je te remercie et je t’embrasse.

Victor[4].


À M. Charles de Lacretelle.


Paris, 10 juin 1841.

Je sors, mon vénérable ami, de la première séance particulière de l’Académie où j’aie assisté, et je trouve en rentrant votre lettre[5]. Je ne veux pas tarder un instant à y répondre. Elle me charme comme tout ce qui me vient de vous. Vous savez communiquer à votre style l’émotion de votre cœur. Tout ce que vous écrivez est parfumé d’âme.

  1. Résidence de Charles de Lacretelle.
  2. Henri de Lacretelle fit paraître un recueil de vers : Les Cloches, en 1841 ; puis publia plusieurs romans dans les grands journaux de Paris. Député en 1871 et réélu en 1876 et 1877, il siégeait parmi les membres de la gauche radicale.
  3. Cousin germain de Mme Victor Hugo ; outre un Victor Hugo intime, Asseline, journaliste et poëte a publié six volumes de prose et de vers.
  4. Bibliothèque Nationale.
  5. « Votre discours de réception restera dans les archives de l’éloquence française… C’est une vocation nouvelle qui se décèle en vous... Donnez un frère, un compagnon d’armes à Lamartine, un défenseur de plus à la cause de l’ordre public et de l’humanité. » 6 juin 1841.