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ment accompli votre ouvrage de chaque jour, endormez-vous avec sérénité. Dieu veille. Je crois en Dieu, monsieur, et je crois en l’humanité. Dieu met un but au bout de toutes les routes. Il ne s’agit que de marcher. Suivez toujours les conseils mystérieux et graves de votre conscience. Je l’ai dit quelque part, et je le pense plus que jamais : Le poëte a charge d’âmes. Dans la nuit profonde où sont encore tant d’esprits, les hommes comme vous, parmi le peuple, sont les flambeaux qui éclairent le travail des autres. Tâchez d’augmenter sans cesse la quantité et la pureté de votre lumière.

Recevez, monsieur, avec tous mes remercîments, l’assurance de mes sentiments distingués.

Victor Hugo[1]


À Madame Émile de Girardin.


7 mars 1841.

Comment vous remercier, madame, de votre ravissant feuilleton[2] ? Où prenez-vous toute cette grâce, toute cette force, tout ce charme, toute cette moquerie ? Cette amitié qui est de la puissance, cette colère qui est de l’éloquence, cette prose qui est de la poésie ? Vous trouvez tout cela dans votre cœur, où il n’y a pas seulement le génie d’un poëte, où il y a l’âme d’une femme. C’est ce qui vous fait exquise. C’est ce qui fait que la beauté de votre visage reflète la noblesse de votre esprit ; c’est ce qui fait qu’on vous aime et qu’on vous admire.

Je baise respectueusement vos mains charmantes qui écrivent de si belles choses et vos pieds courageux qui en foulent de si laides.

Victor H.

Est-ce que vous voulez voir Hernani ce soir ?


À M. Charles de Lacretelle[3].


23 mai 1841.

Que devenez-vous, cher et vénérable ami ? Comment se porte Mme  de Lacretelle ? Êtes-vous toujours heureux, comme je l’espère et comme je le

  1. Nous n’avons qu’une épreuve de cette lettre, destinée sans doute à la Ruche populaire, dont Savinien Lapointe était rédacteur ; cette épreuve est corrigée par Victor Hugo. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. C’est dans la Presse, 6 mars 1841, que Mme  de Girardin, sous la signature du Vicomte de Launay, donna une curieuse liste des personnalités assistant à une réception chez Mme  de Lamartine. Voici quelques noms illustres avec leur désignation particulière : — Grand orateur : M. Guizot. — Grand poëte : M. Victor Hugo. — Grand capitaine : M. le maréchal Soult. — Grand peintre : M. Horace Vernet. — Grand agriculteur : M. de Lamartine. — Grand romancier : M. de Balzac. — Grand sculpteur : M. David.
  3. Charles de Lacretelle, historien, professeur d’histoire à la Faculté (1812), académicien, publia de nombreux volumes d’histoire dont le dernier : Histoire du Consulat et de l’Empire, fut très apprécié.