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À Toto.


Mayence, 1er octobre 1840.

Voici, mon cher petit Toto, un dessin que j’ai fait pour toi. Je te l’envoie bien vite après avoir lu ta bonne petite lettre si gentille et si douce. Dans un mois, mon ange chéri, tu reverras ton père, et ce sera un aussi beau jour pour lui que pour toi. Quand cette lettre t’arrivera, les vacances seront près de finir. Vous rentrerez en classe, mon Charlot et toi, et ce sera, j’espère, avec un nouveau courage et de nouvelles forces. Toutes mes espérances et tout mon bonheur reposent sur vous, mes bien-aimés. Votre bonne mère m’écrit qu’elle est contente de vous tous. Rendez-la heureuse comme elle le mérite, elle qui vous aime tant, et qui, comme moi, n’a que vous et votre bonheur pour préoccupation dans ce monde.

L’homme vaut ce que l’enfant a valu ; n’oublie jamais cela, mon petit Toto ; sois un laborieux écolier, je te réponds que tu seras un jour ce qu’on appelle un homme, vir. Tous les détails que tu me donnes sur vos jeux et vos études m’ont infiniment intéressé. Écris-moi à Trèves quelques lignes après avoir reçu cette lettre, et donne-moi encore beaucoup de détails sur toi, sur tes frère et sœurs, sur toute la maison. Cela me fait assister à vos plaisirs, à vos amusements, à votre vie, et je me figure que je suis au milieu de vous, mes enfants chéris.

Je suis charmé que tous les bestiaux de ma petite bergère Dédé se portent bien et que vous ayez terminé votre logis de feuilles et de branches. Dis à Dédé qu’elle m’en écrive un peu plus long que la première fois.

Moi, mon Toto, tu vois, si tu lis mes lettres à ta mère, que je travaille et que, même dans mes vacances, je tâche de ne pas perdre mon temps. Je vois de bien beaux pays, j’étudie des choses bien nouvelles et bien curieuses ; mais tout cela ne vaut pas vos caresses et vos embrassements et deux heures passées au milieu de vous à Saint-Prix.

Ainsi, mon Toto bien-aimé, rentre en classe avec courage, travaille bien, écris-moi, satisfais ta mère et tes maîtres et pense que je suis à peine un instant sans songer à toi. Rien de ce que je vois ne me distrait de vous, mes enfants. Tout ce que je fais et tout ce que je suis dans ce monde, je le fais et je le suis pour vous.

Je t’aime, je t’aime profondément, mon petit Toto[1].

  1. Bibliothèque Nationale.