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Vos vers sont doux, graves et charmants. Ils viennent de votre âme et n’en sont que le rayonnement mystérieux. Un peu de lumière intérieure qui s’échappe au dehors par les fêlures du cœur, voilà en effet la poésie des vrais poëtes.


À Madame Victor Hugo, à Saint-Prix.


Paris, 29 août, midi.

Je vais partir dans un instant, chère amie, et je t’écris comme je te l’ai promis. Je suis triste. Je t’aime bien, crois-le, mon Adèle, et dans ce moment-ci je voudrais que tu pusses voir avec quelle tendresse je pense à ma bien-aimée colonie de St-Prix.

Je m’en vais par Soissons, comme l’an dernier. Je remarque qu’on trouve toujours plus facilement des places pour le Nord que pour le Midi. Dis à mon Charles et à mon Toto que je serai bien content d’eux s’ils travaillent bien. J’ai vu hier M. Prieur qui ira prochainement vous voir tous. Attends-toi aussi à revoir d’un moment à l’autre Mme  Ménessier[1] que j’ai vue et invitée de ta part. J’ai fait également visite à Mme  de Girardin[2] et je l’ai priée de te faire envoyer la Presse à St-Prix. Voici une lettre de Louis[3].

Je t’écrirai de ma prochaine étape. Je vous embrasse tous bien tendrement, ma Didine, ma Dédé, mes chers petits lauréats, tous, et je serre la main de ton bon père.

Aime-moi, mon Adèle, et pense un peu à moi.

V.[4]


À Madame Victor Hugo.


Namur, 2 septembre 1840.

Chère amie, je suis à Namur et je t’envoie les premières pages du Journal de mon voyage. Je te l’enverrai désormais sous cette forme, car de cette façon je pourrai faire dans mes lettres la séparation que tu désires entre ce qui est le voyage et ce qui est nous. Ce sera donc un pur et simple Journal auquel je joindrai toujours une lettre pour toi. Je vais partir pour

  1. Mme  Ménessier-Nodier, fille de Charles Nodier.
  2. Mme  Émile de Girardin (Delphine Gay), débuta à dix-neuf ans en 1823 dans la Muse Française et publia de nombreuses poésies qui eurent un grand succès ; en 1831 Delphine Gay épousa Émile de Girardin et fit paraître alors plusieurs nouvelles poésies élégiaques ; à la fondation de la Presse en 1836, elle signa, du pseudonyme : Vicomte de Launay, des feuilletons hebdomadaires de critique vive et spirituelle. Elle publia aussi plusieurs romans et, à partir de 1839, des drames et des comédies, dont une : La joie fait peur, est restée au répertoire du Théâtre-Français. — Mme  de Girardin fut pour Victor Hugo une amie dévouée ; à partir de l’exil du poète, elle lui écrivit fréquemment et alla même le voir Jersey. Quand elle mourut, en 1855, il lui consacra deux poésies, une qui parut dans les Contemplations et une autre qui fut insérée dans Toute la Lyre en 1893.
  3. Louis Boulanger.
  4. Archives de la famille de Victor Hugo.