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vœux pour mon bonheur, une autre femme que toi. C’est moi, Adèle, qui suis bien loin de ta hauteur, tous mes efforts tendent à m’élever jusqu’à toi, et si jamais j’ai paru ambitieux de gloire, ce n’était que par habitude de rapporter tous mes désirs à toi, si jamais j’ai cherché à attacher quelque illustration à mon nom, c’est que je pensais que tu le porteras un jour. Va, crois un peu plus en toi-même, je voudrais que l’univers entier sût que je t’aime, qu’un regard de toi m’est plus précieux que toutes les gloires et que je consentirais volontiers à voir tout mon sang couler goutte à goutte si cela pouvait épargner une larme à tes yeux. Que ne puis-je te prouver ma tendresse par actions et non par paroles ! Va, sois tranquille, tu es bien au-dessus de toutes les femmes dans la sphère des idées de vertu et de générosité ; leurs têtes ne vont pas même à tes pieds.

Que ta conscience ne te reproche pas un baiser ou une lettre, seules consolations de ton mari orphelin et abandonné à ses propres forces ; ne crains rien pour ta réputation, elle m’est plus chère que ma vie, et, pour qu’elle cessât d’être pure comme toi, il faudrait que je fusse un misérable lâche, ce qui ne sera jamais.

Adieu, tu es à moi comme ma vie. Je t’embrasse tendrement.

Ton mari,
Victor.