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À Sainte-Beuve.


25 février [1833].

Entre vous et moi, Sainte-Beuve, il y a une amitié scellée d’une façon trop profonde et trop durable pour que les petites affaires de l’amour-propre nous divisent jamais un seul instant. Nous sommes des amis sérieux. C’est notre devoir de ne jamais ajouter foi une minute aux commérages qu’on pourrait colporter de vous à moi et de moi à vous, tantôt bêtement, tantôt perfidement[1]. Vous ne doutez pas, n’est-ce pas, mon ami, que jamais votre nom ne sort de ma bouche que comme il en doit sortir, avec l’effusion de l’amitié, de l’admiration et de la tendresse la plus fraternelle. Il me serait même impossible de souffrir autour de moi des hommes qui ne pensassent pas de vous comme j’en pense et qui n’en parlassent pas comme j’en parle. Vous êtes une de mes religions, n’oubliez jamais ceci, et toutes les fois qu’on essaiera de venir vous dire que j’ai parlé de vous autrement que comme d’un frère, dites simplement cela n’est pas. — Je ne sais pourquoi je vous écris tout cela, car je suis sûr que c’est tout simplement votre pensée que je transcris ici ; mais puisqu’on a eu la niaiserie de prononcer votre nom à propos de la pauvre conduite de M. Buloz à mon égard, j’avais besoin de vous dire, moi, que jamais vous n’avez été plus cher et plus présent à ma pensée qu’en ce moment où je vous vois à peine.

V.[2]


Au roi Joseph.


Paris, 27 février 1833.

Sire, je profite pour vous répondre de la première occasion sûre qui se présente[3]. M. Presles, qui part pour Londres, veut bien se charger de remettre cette lettre à Votre Majesté. Permettez-moi, sire, de vous traiter toujours royalement. Les rois qu’a faits Napoléon, selon moi, rien ne peut

  1. Buloz aurait dit à Abel Hugo qu’il partageait l’avis de G. Planche sur Lucrèce Borgia, et que, d’ailleurs, Sainte-Beuve avait lu l’article de Planche et l’avait approuvé.
  2. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  3. Réponse à la lettre du roi Joseph, 3 janvier 1833, publiée dans le Roi s’amuse. Revue de la critique, Édition de l’Imprimerie Nationale.