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jusqu’à l’ombre de l’image des anciens, vous devez vous souvenir de ce qui s’est passé entre nous dans l’occasion la plus douloureuse de ma vie, dans un moment où j’ai eu à choisir entre elle et vous ; rappelez-vous ce que je vous ai dit, ce que je vous ai offert, ce que je vous ai proposé, vous le savez, avec la ferme résolution de tenir ma promesse et de faire comme vous voudriez ; rappelez-vous cela, et songez que vous venez de m’écrire que dans cette affaire j’avais manqué envers vous d’abandon, de confiance, de franchise ! Voilà ce que vous avez pu écrire trois mois à peine après. Je vous le pardonne dès à présent. Il viendra peut-être un jour où vous ne vous le pardonnerez pas.

Toujours votre ami malgré vous.
V. H.[1]


À Sainte-Beuve.


Ce 4 avril [1831].

C’est moi, mon ami, qui veux vous aller voir, vous remercier, vous serrer la main. Votre lettre m’a causé une vive et réelle joie[2]. Croyez, mon ami, du moins je l’éprouve, qu’on ne se défait pas si vite d’une vieille amitié comme la nôtre. Ce serait un profond malheur que de pouvoir vivre après la mort d’un si grand morceau de nous-mêmes.

Victor Hugo.

Vous viendrez dîner un de ces jours avec nous, n’est-ce pas[3] ?


À Monsieur le docteur A.-P. Requin[4]


15 juin [1831].

Je veux tous les jours vous aller voir, mon excellent ami, vous aller remercier, car il me semble qu’une lettre est toujours bien plus froide et dit bien moins de choses qu’un serrement de main. Mais vous savez que je

  1. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  2. « J’ai moi-même eu besoin d’attendre bien des jours avant de vous répondre... Il n’était pas entré dans ma pensée de vous offenser le moins du monde dans ma lettre ; l’expression m’en avait paru triste et douloureuse, mais sans aigreur ; je vous avais dit sincèrement là où était ma plaie ; qu’il n’en soit plus question entre nous, mon ami ; car vous l’êtes toujours, non pas malgré moi je vous jure... Si je suis si méchant, si passionné, si inégal, c’est que je suis livré aux caprices de mon misérable cœur. » Lettre de Sainte-Beuve, 3 avril 1831. Gustave Simon. Lettres à Victor Hugo et à Mme Victor Hugo. Revue de Paris, 1er janvier 1905.
  3. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  4. Le docteur Requin, agrégé de la Faculté de médecine et membre de l’Académie de médecine, a publié plusieurs volumes de pathologie et de philosophie médicales.