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rencontrai au bal de Sceaux. J’avais à plusieurs reprises opiniâtrement refusé d’y aller ; enfin je cédai à l’importunité ou plutôt aux conseils de mon bon ange qui me conduisit ainsi à mon insu vers celle que je cherchais partout. Tu parus contrariée de me voir, et moi, j’eus toute la soirée le cruel bonheur de te voir danser avec d’autres. Tu vois, Adèle, que je t’aime plus que tu ne m’aimes ; car, pour tout au monde, je n’aurais pas voulu danser. Nous partîmes du bal avant toi. J’étais bien fatigué, cependant je voulus revenir à pied, espérant que la voiture où tu reviendrais nous atteindrait ; en effet, une demi-heure après, je vis passer un fiacre où je crus te reconnaître, croyance qui me dédommagea de la poussière et de la fatigue de la route.

Adèle, pardonne-moi, je t’ennuie ; mais m’aimes-tu ainsi ? Permets-moi de te parler de mon dévouement, je n’ai en perfection que le mérite de bien t’aimer. Adieu. Je suis pourtant bien reconnaissant de tout ce que tu fais pour moi.

Adieu, mon Adèle adorée, pour peu de temps sans doute. Dors tranquille, et souffre que je t’embrasse bien tendrement, mais bien innocemment.

Ton mari,
Victor.