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rallient de toutes parts plus nombreux et plus acharnés que jamais, où les voilà ourdissant sans relâche et de toutes mains un réseau de haines et de calomnies autour de moi, le moment où je suis placé seul entre deux animosités également furieuses, le pouvoir qui me persécute, et cette cabale déterminée qui a pris poste dans presque tous les journaux. Ah ! Charles ! dans un instant pareil j’avais droit du moins de compter sur votre silence.

Ou bien, est-ce que je vous ai fait quelque chose ? pourquoi ne me l’avez-vous pas dit ?

Ce n’est pas que je réclame contre votre critique. Elle est juste, serrée et vraie. Il y a singulièrement loin des Orientales à lord Byron ; mais, Charles, n’y avait-il pas assez d’ennemis pour le dire en ce moment ?

Vous vous étonnerez sans doute, vous me trouverez bien susceptible. Que voulez-vous ? une amitié comme la mienne pour vous est franche, cordiale, profonde, et ne se brise pas sans cri et sans douleur. Puis, je suis fait comme cela. Je ne m’occupe pas des coups de stylet de mes ennemis ; je sens le coup d’épingle d’un ami.

Après tout, je ne vous en veux pas, déchirez cette lettre, et n’y pensez plus. Ce que vous avez voulu rompre est rompu, j’en souffrirai toujours, mais qu’importe ! Si quelqu’un m’en reparle, je vous défendrai comme je vous ai défendu hier. Mais, croyez-moi, c’est une chose bien triste pour moi, et pour vous aussi, car de votre vie, Charles, jamais vous n’avez perdu d’ami plus profondément et plus tendrement et plus absolument dévoué.

Victor[1].


À Monsieur le baron Taylor.


3 novembre 1819.

Sur ma réclamation, M. de La Bourdonnaye m’écrit, mon cher Taylor, que Hernani a été rendu au théâtre le 31 octobre[2] Est-ce que cela est vrai et possible ? Et comment n’en saurais-je rien ? Vous seriez bien bon de m’écrire un mot qui me dît oui ou non, ou mieux encore, de me venir voir cinq minutes un de ces matins. Votre ami,

V. H.
  1. Copie faite par Mme  Victor Hugo. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Le manuscrit d’Hernani, envoyé à la censure, fut l’objet d’un rapport contresigné par quatre censeurs, il ne fut rendu, après corrections et suppressions, que le 31 octobre 1829, mais la correspondance échangée entre le ministère de l’Intérieur et la censure ne cessa que le 12 février 1830.