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vement notre affaire. Nous partons demain à six heures du matin. Ne t’inquiète de rien ; tout sera prêt, costume, jabot, linge, épée, etc. Hier j’ai dîné chez Mlle Julie, dont c’était la fête. Nous avons bu à ta santé. Mon Adèle ! que je t’aime ! J’ai encore mille choses à disposer. Il faut faire mes malles. Adieu. Embrasse ma Didine sur ses joues brunies, embrasse-la mille fois. Embrasse tes bons parents de Blois. J’ai mille fois baisé ta lettre. Qu’elle m’est précieuse ! Qu’elle est belle ! Qu’elle est éloquente de douleur et de tendresse ! J’en aurai encore une aujourd’hui, j’espère, et je vais rentrer pour la trouver. Adieu, adieu ! Toujours triste !

Ton Victor Hugo.

J’espère pouvoir t’écrire demain en route. Adieu, mon ange adoré[1].


À Madame Victor Hugo.
Paris, 24 mai.

Il est cinq heures du matin, mon ange bien-aimée. Dans une heure j’aurai quitté Paris, et je ne puis le quitter sans t’écrire encore. Je détache une feuille de mon livret de route qui va revenir à Blois plus tôt qu’elle ne s’y attendait. Voilà un bonheur sur lequel je ne dois pas compter. (Cela ne veut pas dire que je ne serai pas de retour à l’époque que nous espérons. Ne te tourmente pas surtout.)

Tu dors en ce moment, Adèle ; es-tu du moins en rêve près de moi ? Je ne sais ce que mes lettres te causent de plaisir, mais pourquoi m’as-tu sevré des tiennes ? J’aurais pu en avoir une hier, pourquoi ne l’ai-je point eue ? Il faut donc remettre ce bonheur à Reims, et je ne saurais plus avoir quelque joie maintenant qu’en m’éloignant encore de toi.

Reims ! je ne sais ce que j’y ferai. Est-ce que je pourrai penser à autre chose qu’à mon Adèle absente et qui pense à moi ?

Donne-moi beaucoup de détails sur Blois. Je te donne aussi tous ceux que j’ai le loisir d’écrire. Le reste sera pour nos longues conversations. Mlle Duvidal a dîné hier avec nous et nous avons bu à mon Adèle et à sa Didine. Mlle Zoé, qui est charmante et que j’aime parce qu’elle t’aime, m’a bâti un col et m’a chargé de te dire qu’elle te remplaçait (en cela seulement, bien entendu). Le soir, j’ai porté mes effets chez Nodier, et j’y vais

  1. Bibliothèque nationale