Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de te dire combien ton absence me sera pénibles mais je me dédommagerai quelque jour, j’espère, d’avoir été si longtemps sevré de la joie de t’embrasser.

Il est malheureux encore, cher papa, que cet accident te prive de contribuer aux sacrifices que vont faire M. et Mme  Foucher. Je ne doute pas qu’il n’y a que l’absolue nécessité qui puisse t’imposer cette économie, et je suis sûr que ton cœur en sera le plus affligé. Tâche cependant de nous envoyer le plus tôt possible le mois arriéré. Tu sens combien je vais avoir besoin d’argent dans le moment actuel. Je te supplie encore, bon et cher papa, de faire tout ton possible pour continuer à mes frères Abel et Eugène leur pension. N’oublie pas qu’Eugène était un peu fou quand il t’a écrit, et donne-lui, si tu le peux, cette nouvelle preuve de tendresse généreuse et paternelle. Pour moi, je ne t’importunerai pas de mes besoins ; à dater du 1er octobre, ma pension me sera comptée ; l’autre ne tardera pas, sans doute, et quoique ce moment-ci m’entraîne nécessairement à beaucoup de frais, en redoublant de travail et de veilles je parviendrai peut-être à les couvrir. Le travail ne me sera plus dur désormais : je vais être si heureux !

Permets-moi, en finissant, mon cher et bien cher papa, de te rappeler combien sont importantes toutes les prières que je t’adresse relativement à l’envoi de ton consentement légal, à la publication et au rachat des bans dans ta paroisse[1].

Adieu, pardonne à ce griffonnage et reçois l’expression de ma tendre et profonde reconnaissance.

Ton fils soumis et respectueux,
Victor.

J’ai été obligé de rectifier une erreur d’inadvertance dans la pièce que tu m’envoies ; je suis né le 26 février 1802 et non 1801.

M. et Mme  Foucher sont bien sensibles à tout ce que tu leur dis d’aimable. Tu verras un jour quel présent ils te font quand je t’amènerai ta fille.

Je t’enverrai incessamment tous ceux que j’ai pu me procurer des journaux qui ont parlé de mon recueil. Il continue à se bien vendre, et dans peu les frais seront couverts. C’est une chose étonnante dans cette saison[2].

  1. Cette démarche ne fut pas faite à temps, comme le prouve cet extrait de la lettre de Victor Hugo publié par E. Dupuy, La Jeunesse des romantiques :
    « 5 octobre 1822 ... En prévoyant combien je serais contrarié du retard que tu m’annonces, tu ne t’es pas trompé. Je m’empresse aujourd’hui de t’écrire quelques mots pour te prier très instamment de faire au moins en sorte que le certificat de publication des bans m’arrive vendredi matin (11 octobre) avant onze heures. Le jour du mariage est fixé au lundi 11, et toutes les raisons que je t’ai détaillées déjà empêchent qu’il ne soit retardé d’un jour. Je recommande tout cela à cette diligence qui me prouvera ta tendresse et je finis en t’embrassant.
    « Ton fils soumis et respectueux. Victor. »
  2. Bibliothèque municipale de Blois.