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à un amour né dans les premiers jours de l’enfance et développé par les premières afflictions de la jeunesse.

Je vous ai dit plusieurs fois, mon noble ami, que s’il y avait quelque dignité et quelque chasteté dans ma vie, ce n’était pas à moi que je le devais. Je sens profondément que je ne suis rien par moi-même. Je tâche de n’être pas indigne de la mère que j’ai perdue et de l’épouse que je vais obtenir. Voilà tout. Quelque chose me dit au fond du cœur, mon ami, que vous me comprendrez. Il me semble que je vous comprends si bien !…

Victor-M. Hugo.


Au général Hugo.


Paris, 13 septembre 1822.
Mon cher papa,

M. de Lourdoueix m’ayant donné sa parole d’honneur que ma pension de l’Intérieur me serait assignée durant l’administration intérimaire de M. de Peyronnet[1], j’ai remis ta lettre à M. Foucher, et tu as dû recevoir sa réponse. Nous n’attendons plus que ton consentement légalisé.

Cher papa, n’attribue le silence d’Abel qu’à la multiplicité de ses occupations ; je lui ai communiqué ta lettre, et il va s’empresser de dissiper lui-même un doute affligeant pour ton cœur.

Si je n’ai pas été baptisé à Besançon, je suis néanmoins sûr de l’avoir été, et tu sais combien il serait fâcheux de recommencer cette cérémonie à mon âge. M. de Lamennais, mon illustre ami, m’a assuré qu’en attestant que j’ai été baptisé en pays étranger (en Italie), cette affirmation, accompagnée de la tienne, suffirait. Tu sens combien de hautes raisons doivent me faire désirer que tu m’envoies cette simple attestation.

Nous sommes au 13, mon cher papa, et je n’ai pas encore reçu notre mois. Ton exactitude à prévenir les besoins de tes fils me rend certain que la négligence ne vient que des Messageries. Mais je t’en avertis, cher papa, sûr que tu t’empresseras de faire cesser notre gêne.

Adieu, mon excellent père ; je t’aime, je t’embrasse et je fais les vœux les plus ardents pour te voir et te voir bien portant.

Ton fils tendre et respectueux,
Victor[2].
  1. Garde des sceaux.
  2. Bibliothèque municipale de Blois.