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c’est une peine qui se mêle au plaisir de t’écrire. Tu sais que le dossier de la Société fut renvoyé (selon l’usage, à ce qu’il paraît), dans les bureaux de la direction générale de la police. Après plusieurs démarches dans ces bureaux, j’obtins enfin il y a quelque temps cette réponse de M. Franchet, que le gouvernement ne jugeait pas à propos d’accorder en ce moment aucune autorisation de ce genre ; que d’ailleurs la Société de Blois n’étant composée en ce moment que de quatorze membres pouvait se passer de cette autorisation, laquelle ne lui deviendrait nécessaire qu’autant qu’elle en porterait le nombre au delà de vingt ; cette réponse me fut donnée comme irrévocable. Sentant néanmoins ce qu’elle avait de peu satisfaisant pour la Société j’ai voulu avant de te l’envoyer remonter jusqu’au ministère de l’Intérieur, qui n’a fait que confirmer d’une manière définitive la réponse du directeur de la police. Je me hâte donc, bien à regret, de t’en faire part. Je pense du reste, mon cher papa, que la Société ne doit pas se décourager. L’obstacle opposé par le gouvernement passera avec les événements qui le font naître, et d’ailleurs si jamais M. de Chateaubriand arrivait au ministère, je ne désespérerais pas de le faire lever, pour peu que tu le désirasses encore. J’aurais alors, par le moyen de cet illustre ami, un peu plus de crédit. Veuille, je te prie, mon cher papa, transmettre tous ces détails à M. le Secrétaire de la Société, auquel j’aurais eu l’honneur d’écrire, si, selon mon vif désir, j’avais eu de bonnes nouvelles à lui annoncer. Pour ne rien te cacher, je te dirai très confidentiellement que MM. les députés, qui s’étaient chargés d’appuyer la demande, ne l’ont fait que très faiblement. Pour moi, j’ai fait bien des pas et des démarches inutiles ; mais je n’en aurais, certes, aucun regret, si j’avais réussi.

Maintenant, cher papa, c’est toi que je vais importuner. Tout annonce que mes affaires à l’Intérieur vont enfin se terminer, et que mon bonheur va commencer. Mais il me faudra mon acte de naissance et mon extrait de baptême. Je m’adresse à toi, mon bon et cher papa ; ne connaissant personne à Besançon, je ne sais comment m’y prendre pour obtenir ces deux papiers ; ta bonté inépuisable est mon recours. Je voudrais les avoir dès à présent, car si j’attendais encore, je tremblerais qu’ils n’apportassent du retard à cette félicité qui me semble déjà si lente à venir. Moi qui connais ton cœur, je sais que tu vas te mettre à ma place ; pardonne-moi de te causer ce petit embarras. Tu nous avais envoyé, il y a quatre ans, nos actes de naissance ; mais en prenant nos inscriptions de droit, nous avons dû les déposer au bureau de l’École selon la loi, et la loi s’oppose à ce qu’on les restitue. Tu me rendrais donc bien heureux en me procurant cette pièce avec mon extrait de baptême, nécessaire pour l’église, comme tu sais.

Adieu, cher et excellent papa ; l’offre que tu me fais dans ta charmante