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À JULES DE RESSÉGUIER.

Nous vous devons mille remercîments pour vos envois obligeants, pour toutes vos délicates et paternelles attentions. Croyez que nous y sommes profondément sensibles. Nous vous remercions comme nous vous aimons[1]


1822.


Monsieur le comte Jules de Rességuier,
à Toulouse.
Monsieur le comte et cher confrère.

Il y a deux mois environ que je vous écrivis et vous envoyai la collection entière du Conservateur littéraire par une occasion que notre ami Alexandre Soumet m’avait offerte. Je me justifiais dans cette lettre du long silence auquel mes affaires et mes chagrins m’avaient, bien malgré moi, condamné. J’ignore si vous l’avez reçue et je m’empresse de saisir enfin un moment de calme et de loisir pour m’informer, non de cet envoi qui ne vaut pas la peine de nous occuper plus longtemps, mais de votre santé et de votre amitié, deux choses bien précieuses pour moi, et dont je ne sais, en vérité, laquelle m’est la plus chère. Si vous me le demandiez, je ne pourrais que répondre comme cet enfant : je les aime le mieux toutes les deux.

Alexandre[2] qui est toujours malade, ou paresseux, a cependant terminé son Saül[3], que je préfère à sa Clytemnestre[4], que je préfère à tout ce qui a paru sur notre scène depuis un demi-siècle. J’attends avec bien de l’impatience la représentation de l’une ou l’autre de ces belles tragédies, qui est fixée au mois de mars au plus tard. Je désirerais vivement que Saül fût joué le premier ; cet ouvrage entièrement original, sévère comme une pièce grecque et intéressant comme un drame germanique, révélerait du premier coup toute la hauteur de Soumet. Le jour du triomphe d’Alexandre sera pour moi un bien beau jour.

J’enverrai peut-être cette année à l’Académie, pour l’une de ses séances publiques, une ode sur le Dévouement dans la peste ; au moins ne renfermera-t-elle aucun sentiment politique.

Et vous, mon cher confrère, que faites-vous au pays des troubadours ? Soumet m’a montré des vers charmants que vous lui avez envoyés dernièrement. En ouvrant l’Almanach des dames, j’ai été agréablement surpris d’y rencontrer votre élégie si touchante et si gracieuse, la Consolation d’une mère ;

  1. Bibliothèque de Philadelphie.
  2. Soumet.
  3. Saül représenté à l’Odéon le 9 novembre 1822.
  4. Clytemnestre jouée au Théâtre-Français, le 7 novembre 1822.