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Eugène et moi, au second étage de la maison dont nous habitons le rez-de-chaussée et le premier. Notre nouvel appartement se compose de deux belles chambres à cheminée, et la location annuelle n’est que de 200 francs. Abel habite un troisième dans la rue voisine, en sorte que c’est encore presque comme s’il demeurait avec nous. Son logement est plus grand que le nôtre ; aussi servira-t-il à recevoir nos amis cet hiver. Adolphe les retrouvera tous, ici, aussi pleins d’affection pour lui que nous ; ils nous ont souvent parlé de lui, ont conservé de son esprit et de son amabilité le souvenir le plus agréable, et attendent son retour avec une impatience dont je ne vous parle pas, mon cher oncle, car vous ne pouvez la partager, et, cependant, sous ce rapport-là, je suis comme eux.

Le jour où notre excellent Adolphe arrivera sera pour moi un jour bien heureux, et j’en ai si peu qu’en vérité, j’ai le droit de les compter. Celui où je pourrai également vous voir, mon bien cher oncle, sera aussi, certes, l’un des plus beaux et déjà est l’un des plus désirés de ma vie. Espérons qu’il arrivera bientôt, et que la main divine, qui nous a privés de notre mère bien-aimée, ne nous tiendra pas longtemps séparés de notre bon et cher oncle.

Permettez-moi, mon cher oncle, de réclamer, au milieu de vos occupations, une lettre pour nous qui nous annonce la prochaine arrivée de cet Adolphe dont nous sommes jaloux de ne pas être la première famille. Ma bonne mère l’aimait autant que nous ; nous ne demandons pas à son père la même faveur, car nous sommes loin d’en être aussi dignes.

Nous avons lu avec un extrême intérêt tout ce que vous avez bien voulu nous envoyer, et ce surtout où nous avons reconnu votre plume exercée. Je compte vous écrire incessamment à ce sujet une longue lettre que les affaires de mon déménagement et mille autres incidents m’ont empêché de rédiger. Je vous dirai seulement que j’ai communiqué votre article sur les antiquités de la Bretagne à des savants, qui n’ont pas été moins frappés des recherches scientifiques que du talent littéraire de l’auteur.

Adieu, mon bon oncle, je vous quitte bien à regret : mais les affaires viennent toujours à la traverse des plaisirs. Je vous embrasse et vous prie de me croire pour la vie votre neveu dévoué,

Victor.

Mes frères me chargent de vous exprimer leur respectueux attachement. Mille amitiés à votre chère famille.

Adolphe, fais vite tes paquets[1] !

  1. Le Figaro, 17 mai 1886.